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Alaina Garibal

Alaina Garibal. Photo personnelle

Alaina Garibal n'est pas une Américaine à Paris, mais plutôt une Américaine à Figeac, petite ville qui se trouve aux deux tiers environ d'une ligne droite tirée depuis le sud de Paris jusqu'à Toulouse. Elle y habite depuis 18 ans, durant lesquels sa maîtrise de la langue de Molière a progressé du niveau zéro à un niveau qui influence aujourd'hui la façon dont elle parle sa langue natale !

Alaina étudiait le génie mécanique à la California State University à Sacramento, lorsqu'elle a rencontré un jeune français, étudiant en ingénierie lui aussi. Quand il est rentré en France « nous avons essayé de maintenir notre relation à distance mais en 2002 nous avons décidé que ce serait mieux si je le rejoignais ici », me raconte-elle via Zoom.

Ce déménagement ne fut pas facile. Elle « n'avait pas appris grand chose », lors des cours de français qu'elle suivait en Californie. Alors après son arrivée à Figeac, ville d'environ 10 000 habitants, ayant laissé derrière elle sa famille et ses amis, trouvant que « tout était difficile, même le simple fait de faire les courses » elle fut sur le point de jeter l'éponge. Elle faillit acheter un billet d'avion aller simple pour rentrer chez elle. « Mais je me suis accrochée, et me voici encore ici toutes ces années plus tard », sourit-elle, ajoutant qu'aujourd'hui la famille (ils ont deux fils) ne voudrait pas déménager. « Nous pouvons aller au travail à vélo et notre qualité de vie ici a beaucoup d'importance pour nous », souligne-t-elle.

Son mari a joué un rôle déterminant dans son parcours professionnel. Mais la première personne qui l'a influencée fut probablement un jeune professeur de mathématiques. « Au lycée j'avais un blocage total vis-à-vis des mathématiques, c'était une matière que je n'arrivais vraiment pas à maîtriser. Puis j'ai eu ce jeune professeur, très patient, qui souriait tout le temps. Il communiquait calmement, sans nous mettre la pression et il a réussi à me faire aimer ce sujet que je détestais tant », explique-t-elle.

Une jeune femme rencontrée au collège communautaire exerça aussi une grand influence sur sa vie. « Là, je me bagarrais avec la chimie. Je me suis liée d'amitié avec une autre fille qui avait des problèmes avec cette matière ; elle voulait être médecin, ambition que je trouvais tellement plus noble que la mienne. Nous nous sommes donc motivées l'une l'autre, nous avons lutté ensemble et nous avons réussi ! Elle est devenue médecin et je suis ingénieure en mécanique », raconte Alaina.

Une fois commencées ses études de génie mécanique, son petit ami de l'époque, surpris par son choix d'études, lui dit qu'elle ne réussirait jamais car pas assez manuelle : elle ne passait pas ses week-ends à démonter et remonter des moteurs de voiture ! Très énervée par ce commentaire, Alaina entreprit alors de lui prouver qu'il avait tort. Aujourd'hui, elle conseille aux jeunes femmes « de ne pas laisser qui que ce soit vous dire que vous ne pouvez pas faire quelque chose, car si une femme veut réussir, même dans un secteur dominé par les hommes, alors elle le pourra. »

Elle explique n'avoir pas eu d'idée arrêtée concernant le secteur spécifique dans lequel elle voulait travailler, par exemple l'aéronautique ou l'automobile. Dans tous les cas, à son arrivée en France, sa première tâche fut de maîtriser la langue car il était évident que personne n'allait lui proposer un poste d'ingénieur si elle n’était pas à l’aise en français. Elle trouva rapidement du travail chez l'un des principaux employeurs à Figeac : Ratier-Figeac, une unité française du géant américain Collins Aerospace, actif dans les secteurs militaire et civil. Collins à Figeac fabrique des hélices, des pièces d'hélicoptères, des équipements pour cockpits et cabines d'aéronefs et des systèmes d'actionneurs de compensation des stabilisateurs horizontaux (ils assurent la stabilisation de l'avion en vol et le maintien de son axe de tangage). L'entreprise de rêve pour une ingénieure en mécanique.

Alaina et des pales d’hélices du A400M. Photo personnelle

Sauf que le premier poste d'Alaina fut comme professeur d'anglais ! Mais 18 mois plus tard, elle pu intégrer le service client, où l'anglais est la langue principale de travail, et elle y est encore. L'entreprise fabrique les hélices géantes des moteurs qui propulsent l'avion de transport militaire A400M. Cet avion équipe non seulement les forces aériennes des six pays partenaires du programme A400M, la Belgique (agissant également pour le compte du Luxembourg), la France, l'Allemagne, l'Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni mais aussi la Malaisie. Jusqu'à présent, ces pays ont commandé 174 avions dont 92 ont été livrés et sont en service. Cela fait donc 368 moteurs (4 moteurs par avion ou 2 944 pales d'hélices individuelles car chaque moteur a huit pales !) pour occuper Alaina et son équipe.

« Mon travail se fait généralement en face à face avec la force aérienne cliente. Nous dispensons une formation sur place et expliquons comment réparer et entretenir les hélices », explique-t-elle. Elle-même ayant appris « sur le tas », elle dit passer « beaucoup de temps au bureau d'études, à poser des questions, à obtenir des informations, à apprendre par moi-même et j'apprends également des choses chez nos clients ». Alaina fait remarquer que « c'est encore un tout nouveau programme, donc des incidents surviennent qui n'avaient pas forcément été anticipés et nous devons être créatifs pour ytrouver des remèdes ».

Les voyages sont ce qu'elle préfère dans son travail. « Je passe beaucoup de temps dans les salles de réunion, mais j'essaie toujours de trouver du temps pour visiter les lieux. » Elle a de plus appris à s'adapter à différentes cultures. « Dans certains pays, c'est la norme d'interrompre l'orateur pour poser des questions et dans d'autres, toutes les questions sont posées par une personne agissant au nom des autres. Au début, cela peut être un peu déstabilisant », confie-t-elle.