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Adjudante-cheffe Erika

L’adjudant Erika. Les noms de famille des militaires ne sont pas révélés pour des raisons de sécurité. Crédit photo : Ministères des forces armées

L'adjudante Erika est l'une des très rares femmes instructrices d'armes à feu de l'armée française. Et elle n'y est pas arrivée par hasard. « Il faut y aller, il faut oser », souligne-t-elle, « et en tant que femme, il faut être prête à devoir toujours prouver plus de choses, et a être plus regardée et jugée que les garçons par tout le monde ».

Les éclats de rires fréquent d'Erika ne cachent pas sa détermination. Elle dit ce qu'elle pense même si « j'ai appris à mes dépens que parce que je suis assez impulsive, je n'ai pas toujours bien pesé mes mots et quand on a du répondant, cela ne plaît pas. »

Mais elle insiste sur le fait que les femmes de rang dans l'armée doivent non seulement être « un petit peu » sportives, mais aussi avoir du répondant. Pour illustrer « ce que nous devons supporter tous les jours », elle raconte la fois, juste après avoir terminé sa formation, quand un collègue lui a dit : « Toi tu m'embêtes parce que tu as le même grade et la même formation que moi mais tu es une fille. » Ce genre de commentaire a cessé depuis qu'elle est instructrice !

Sa vie personnelle a pâtit de sa détermination. « Avant, j'étais mariée avec un militaire, mais j'ai privilégie ma carrière ce qui m'a valu un divorce après cinq ans. Ensuite, je suis restée célibataire pas mal de temps mais aujourd'hui je suis pacsée avec un autre militaire », sourit-elle.

Elle raconte qu'à « 15 ans je voulais déjà être militaire, peut-être dans l'armée de l'air parce que mon père y était. » Ses parents ont néanmoins insisté pour qu'elle fasse des études supérieures donc elle a étudié l’Italien. « Italien ? » Je m'assure d'avoir bien entendu. « Pourquoi pas ? » rigole-t-elle, en ajoutant : « J'avais déjà fait de l'Italien comme troisième langue à l'école et à 17/18 ans, on ne sait vraiment pas ce que l'on veut faire alors je me suis dis pourquoi pas enseignante en italien. »

Erika et le HK416. Crédit photo : Ministère des forces armées

Mais après avoir obtenu sa licence, elle décida que le professorat de langues n'était vraiment pas pour elle et qu'elle préférerait piloter des chars de combat. Elle a donc poussé la porte d'un centre de recrutement de l'armée. Cependant, avec son 1m80, on lui a tout de suite dit qu'elle était trop grande pour piloter des chars. « Alors, qu'est ce que je peux faire d'autre pour me rapprocher des chars ? » demanda-t-elle. Après avoir passé une série de tests intellectuels et physiques, Erika a été dirigée vers l'artillerie. Elle avait également précisé que, malgré ses études supérieures, elle voulait être sous-officier plutôt qu'officier « parce que les cursus de carrières m'intéressaient plus », explique-t-elle.

En septembre 2001, elle intègre l'école des sous-officiers d'active à Saint Maixent située dans la petite ville du même nom entre Bordeaux et Nantes dans l'ouest de la France. « En tant que sous-officier, on vous recrute pour une spécialité », m'explique Erika. Cela signifie donc que si vous avez été recruté pour un régiment d'artillerie, vous ne pouvez pas soudainement décider que vous préféreriez rejoindre un régiment de cavalerie. Au début du cours de 8 mois, il y avait environ 60 femmes dans sa promotion de 350 élèves. À la fin, 15 avaient abandonné. « Elles avaient soit découvert que l'armée n'était vraiment pas pour elles, soit que c'était trop dur », car, dit-elle, « les filles faisaient exactement la même chose que les garçons sauf pour le sport où nous avions un barème différent étant donné que physiologiquement nous ne pouvons pas faire la même chose que les hommes. Par exemple, aucune femme n'a encore couru 100 m en moins de 10 secondes. Ainsi, alors que les garçons devaient courir 3 200 m en 12 minutes, les filles devaient courir 2 900 m dans ce même laps de temps », explique-t-elle, ajoutant que « c'est quelque chose que les garçons comprennent bien ».

A la fin du cursus de 8 mois, Erika, alors sergent, est allée passer quatre mois à l'école d'artillerie du 8e régiment d'artillerie à Commercy (nord-est de la France) célèbre pour ses participations aux batailles d'Austerlitz, de Sébastopol et de Verdun, entre autres. Le régiment a été dissout le 25 juin 2012. Alors, entre 2103 et 2017, elle est retournée à Saint Maixent en tant qu'instructrice générale « mais sans oser demander à faire le stage de formation au tir de combat ce que je voulais vraiment faire ». Elle a donc été très agréablement surprise que ses supérieurs l’encouragent à entreprendre ce stage de cinq semaines « où on apprend à tirer toute une gamme d’armes à feu, et on apprend également à former les gens. Vous devenez instructeur d'instructeurs », dit-elle.

Devenir instructrice ne l'a pas empêchée d'être projetée sur des théâtres d'opération hors de France. « J'ai été beaucoup déployée en Afrique pour former des troupes africaines. » Mais Erika explique qu'il y a des pays où elle n'ira pas, « notamment ceux où les femmes ne bénéficient pas de la même considération qu'ici », fait-elle remarquer.

En France, elle instruit les militaires à l'utilisation du nouveau fusil d'assaut Heckler & Koch HK416, qui est l'arme standard utilisée par tous les militaires français en remplacement du FAMAS, vieux de 40 ans.