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Colonelle Anne-Cécile Ortemann

Anne-Cécile Ortemann. Photo personnelle

Cet été la colonelle Anne-Cécile Ortemann sera promue général de brigade, la troisième femme de l'histoire de l'armée de terre française à obtenir ce grade. Elle souhaite qu’on l'appelle « Madame le général » plutôt que « Madame la générale » « parce que le grade n'a pas de sexe » dit-elle.

Aujourd'hui en charge de la cyber et de la transformation numérique à l'État-Major à Paris, Anne-Cécile est également titulaire d'un Executive MBA de HEC / Mines en Systèmes d'Information et Technologies et elle est ancienne championne de France d'escrime militaire (épée).

Mais elle à beau être en uniforme lors de notre déjeuner, l'officier ne cache pas la femme : on parle aussi d'enfants, de cheveux gris et de régime !

« Je faisais de l'escrime de compétition à l'école, je ne me voyais pas faire un travail de bureau, j'étais bonne en science et j'avais une certaine idée de servir mon pays, donc après mon baccalauréat, j'ai poussé la porte du centre d'information et de recrutement des forces armées locale qui m'a proposé de m'inscrire au Prytanée national militaire de La Flèche, le seul lycée militaire ouvert aux femmes à l'époque », raconte-t-elle. Le Prytanée propose à la fois un enseignement secondaire et une préparation aux concours pour les écoles de formation militaires françaises.

Son séjour là-bas « n'a pas toujours été sans heurts », dit-elle en riant, « car certains garçons se sont ouvertement interrogés sur ce que nous, les quatre filles, faisions dans leur classe. Mais cela m'a donné les armes nécessaires pour confronter ce que j'ai rencontré plus tard à St Cyr. » Dans cette dernière, école de formation initiale des officiers de l'armée de Terre, elle était la seule femme, l'autre ayant jeté l'éponge au bout d'un mois !

L’armée est une affaire de famille ! Anne-Cécile et son frère. Photo personnelle

Bien qu'elle n'ait pas eu de préférence particulière pour l'armée de Terre plutôt que la marine ou l'armée de l'air, elle voulait tenter sa chance. « Mon frère y était déjà. Il a essayé de m'en dissuader parce qu'il s'inquiétait de mon sort. » De toute évidence, ses préoccupations n'étaient pas fondées !

Mais elle concède que « si vous n'avez pas un minimum de capacité dans un sport quelconque, il est vraiment difficile de réussir parce que le sport est une base de compétences importantes pour l'armée qui est physiquement exigeante ». Quand elle a commencé, il y a 29 ans, les exigences physiques des femmes et des hommes étaient identiques. «  Nous sommes en train de revoir cela », explique-t-elle, « notamment avec l'aide du personnel du Centre national des sports de la Défense (CNSD) à Fontainebleau, car nous avons besoin de critères qui mesurent les compétences physiques nécessaires pour lesmissions que ces hommes et ces femmes auront à accomplir plutôt que de simplement savoir s'ils peuvent faire des pompes ... surtout que les femmes ont des compétences différentes de celles des hommes. » Elles sont plus endurantes mais ont moins de force musculaire, par exemple.

A sa sortie de St Cyr avec un diplôme d'ingénieur et l'ambition d'avoir une longue carrière militaire, elle choisit les transmissions. « Cela m'a permis de partir en mission à l'étranger et de suivre les incroyables innovations qui nous permettent aujourd'hui de mettre en place un centre de commandement complet du début à la fin tout seuls. Nous sommes l'arme du commandant », dit-elle fièrement.

Anne-Cécile est également une militante pour l'égalité des sexes : elle a gardé son nom de jeune fille dans sa vie professionnelle, elle prend souvent la parole en public et elle assume la vice-présidence d'une association fondée en 2016 appelée « Avec les femmes de la défense » pour aider les femmes à réseauter et à progresser dans leur carrière. Elle admire la ministre des Forces armées, Florence Parly, pour son courage à lancer le Plan Mixité il y a quelques semaines « parce que beaucoup de gens n'en voient pas l'intérêt. Mais il est très important de résoudre ce problème. »

Elle a déjà eu droit à des remarques concernant sa propre promotion telles que « elle pourrait attendre » [48 est un jeune âge pour être promue général] et d'autres plus dénigrantes encore. « Je mets mon ciré mental pour que les remarques me glissent dessus comme l'eau de pluie mais ce n'est pas toujours facile », admet-elle.

Sa carrière a affecté ses choix de vie personnels. Comme son mari était aussi dans l'armée (il en est parti il y à un an pour un emploi civil) « nous avons dû soigneusement calculer le moment pour avoir des enfants ». Elle a repoussé sa formation au Collège interarmées de Défense (CID) [NDLR : aujourd'hui appelé École de guerre]- un passage obligé pour tout officier supérieur voulant commander un régiment ou occuper un poste équivalent - pendant un an afin de donner naissance à sa première fille. Mais après la naissance de sa deuxième fille et la fin de son année d'études au CID, « je voyais qu'aux yeux de certaines personnes, j'étais maintenant une mère plutôt qu'un officier. Et donc quand j'ai demandé la commande d'un régiment, ma hiérarchie a été surprise. Ils allaient me proposer un travail de bureau! Mais ce n'est pas pour faire ça que je me suis engagée dans l'armée », s'exclame-t-elle. Même si les salaires dans l'armée sont identiques à rang égal pour les hommes et les femmes, « ce qui doit changer, ce sont les présomptions faites concernant les types de postes que nous voulons. Nous ne voulons pas que la hiérarchie pense à notre place ! »

Elle souligne que le soutien de la famille est « vraiment vital » dans une carrière comme la sienne « car cela nous permet de partir sereinement en déploiement. Mon mari m'a toujours encouragé, me disant de m'amuser et de faire ce que j'aime. Et nos mères respectives sont très importantes et présentes même si nous avons toujours veillé à ce que nous ne soyons pas tous deux envoyés en déploiement simultanément afin que l'un d'entre nous soit là pour les filles. »

Le résultat est qu'au cours de ses missions de six mois en Afghanistan ou de quatre mois au Mali « je n'ai jamais entendu mes filles pleurer au téléphone et ça c'était primordial pour ma tranquillité d'esprit et donc ma capacité à me concentrer sur le travail à accomplir. »