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Enseigne de vaisseau Hélène

Enseigne de vaisseau Hélène. Photo personnelle

Le sous-lieutenant Hélène est sur le point d'entamer une carrière de pilote d'hélicoptère dans la Marine nationale. Elle devrait être pleinement qualifiée et lieutenant d'ici cet été, même si, comme presque tout le monde en France actuellement, elle est confinée et ne participe plus à aucune formation pour le moment. Elle était à l'extérieur par une belle journée de printemps lors de notre entretien via FaceTime, sa voix parfois noyée par le gazouillis des oiseaux !

Hélène est la troisième génération de sa famille à s'engager dans une armée. Son grand-père était Légionnaire, son père dans l'armée de l'air, un de ses frères a été dans l'armée de terre, un autre dans la police. Mais elle est la première à choisir la Marine. C'était un choix assez naturel. Au gré des affectations de son père, elle a grandi en Corse, à Nice et en Guadeloupe, des lieux où la mer est omniprésente. Mais le défi d'atterrir un avion sur un navire l'attirait. « Un pilote naval est plus polyvalent en termes de pilotage », explique-t-elle, « et on a beaucoup moins le droit à l'erreur quand on se pose sur un bateau qu'en atterrissant sur le sol ».

Elle ne sait pas encore sur quel hélicoptère elle volera mais elle a déjà déposé ses préférences. La Marine prendra la décision finale en fonction de ses performances pendant l'entraînement. « J'aimerai piloter le NH90 Caïman mono-pilote basé à Hyères [entre Marseille et Nice sur la côte méditerranéenne] même si cet hélicoptère n'est pas encore disponible pour les jeunes pilotes. Mais j'espère qu'il le sera d'ici cet été », dit-elle. Le Caïman est un hélicoptère biturbine de taille moyenne dont l'équipage pour la version navale se compose d'un pilote et d'un coordinateur tactique. Son deuxième choix s'est aussi porté sur le Caïman mais à Lanvéoc en Bretagne où Hélène est actuellement basée, qui est à peu près autant à l'ouest qu'on peut l'être en France ! Son troisième choix porte sur le Panthère, un aéronef de taille moyenne, basé à Hyères. Cet hélicoptère à deux pilotes est beaucoup plus ancien que le Caïman.

Hélène, officier de marine de carrière, pilotera probablement des hélicoptères pendant une douzaine d'années, puis elle recevra un poste de commandement. « J'aimerais commander une frégate », dit-elle d'un air rêveur.

Elle a fait ses études secondaires dans un lycée militaire et a passé un baccalauréat scientifique. « J'ai ensuite passé deux ans à faire maths sup et maths spé pour préparer le concours d'entrée de l'Ecole navale. Nous étions 80 dans ma promo, dont quatre filles. Et seuls deux d'entre nous voulaient être pilotes. L'autre fille a échoué aux tests de sélection des pilotes. » Ainsi, parmi les neuf pilotes navals formés cette année (trois chacun pour les hélicoptères, les avions de combat, les avions de patrouille maritime), Hélène est la seule femme. « Il est facile de travailler avec les autres », dit-elle en riant. Mais elle reste perplexe face à un commentaire d'un médecin militaire qui lui a dit lors des tests de psychologie qu'il ne voulait pas de femmes pilotes de combat. « Je ne sais pas si son commentaire faisait partie du test psychologique ou s'il le pensait vraiment », dit-elle, songeuse. De toute façon c'est le seul commentaire sur son genre qu'elle ait entendu à ce jour.

L’enseigne de vaisseau Hélène aux commandes. Photo personnelle

Piloter un hélicoptère « c'est plus technique et demande plus de précision » que de piloter un avion, selon Hélène. Alors de quelles qualités a-t-on besoin ? « Il faut être capable de faire plusieurs choses à la fois et prioritiser, c'est-à-dire être très polyvalent », répond-elle. C'est cette capacité qui est testée chez les candidats au cours de pilotage. Assis dans un simulateur de vol, le candidat doit suivre un cap donné (une direction, en d'autres termes) et maintenir une altitude donnée - qui changent tous deux régulièrement pendant le test - et en même temps faire du calcul mental, retenir un ensemble d'images et pouvoir répéter une suite de chiffres qui apparaissent. « Il ne faut pas dire que je n'arriverais pas, mais tenter », dit-elle.

Ceux qui réussissent se rendent à l'école de pilotage d'hélicoptère de l'armée française à Dax (sud de la France) où tous les pilotes d'hélicoptères des forces armées françaises sont formés. « Ce qui m'a impressionné, c'est qu'après environ 12 heures (8 vols) avec l'instructeur, il est soudainement sorti de l'aéronef et m'a dit 'maintenant, pilote-le toute seule autour de l'aérodrome'. J'étais confiante et excitée, mais je me disais que 'je n'ai pas le droit à l'erreur parce que je suis toute seule' et qu'il n'y avait aucune marge pour les erreurs! Mais tout le monde y arrive très bien au bout de huit vols. »

Hélène est bien consciente que la carrière qu'elle a choisie pourrait lui coûter sa vie. « On en parle beaucoup a l'École navale. Il y a beaucoup de réflexion sur le don de soi pour que chacun soit parfaitement conscient de quoi il s'agit et permettre à ceux qui ne peuvent pas l'accepter de partir. Quand on reçoit le sabre lors de la cérémonie on sait qu'on peut y laisser sa vie », dit-elle pensivement. Mais elle a clairement accepté cela.


L’enseigne de vaisseau Hélène pilote un Dauphin. Photo personnelle