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Générale Anne Fougerat

Générale de brigade Anne Fougerat. Crédit photo : Garde nationale

Peu de gens savent que c'était une femme aux commandes le 9 janvier 2015, lorsque les frères Kouachi - qui deux jours plus tôt avaient perpétré l'attaque terroriste contre l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné - se sont retranchés dans une imprimerie à Dammartin-en-Goële.

Anne Fougerat était colonelle commandante de la gendarmerie dans le département de Seine-et-Marne, à l'est de Paris. En France la gendarmerie - unité militaire - est chargée de maintenir l'ordre public sur 95% du territoire, notamment en zone rurale. La police - unité civile - est responsable de toute zone urbaine de plus de 20 000 habitants.

« C'était un évènement particulier », me dit-elle dans son petit bureau de l'École Militaire à Paris qu'elle occupe depuis août dernier, lorsqu'elle a été nommée secrétaire générale de la Garde Nationale. Ce poste a été créé en 2016 pour gérer les 75 000 réservistes des quatre branches des forces armées. « Nous avons mis en place les dispositifs mais une fois les terroristes retranchés, Denis Favier à pris la main. » Ce dernier fut commandant de la gendarmerie nationale jusqu'en août 2016 et a deux fois commandé le GIGN (Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale) : c'est l'unité d'élite, spécialisée dans la gestion de crises et les missions dangereuses.

Pour Anne, le poste en Seine-et-Marne était son deuxième commandement départemental « ce qui est exceptionnel », concède-t-elle, la norme étant un seul commandement de ce type. « Avant cela, j'étais responsable du département de la Haute-Vienne. J'ai adoré ces commandements parce qu'ils combinaient le travail de terrain et l'aspect relationnel avec les autorités et forces vives. » Anne a passé un baccalauréat scientifique mais a su très tôt qu'elle avait une vocation pour la “mission securité”. Deux années de droit à l'université et la découverte des spécificités de la gendarmerie d’un côté, et de la police de l’autre, lui ont suffit pour « me rendre compte que j'étais plus proche des valeurs militaires de la gendarmerie ».

Sa carrière a été exceptionnelle, à la fois parce qu'aucune autre femme n’a atteint le grade de générale en gravissant tous les échelons depuis sous-officier ; mais aussi parce qu'elle a su surmonter une « vraie timidité », assez handicapante pour un gendarme !

Lorsqu'elle fréquente l'école de gendarmerie de Montluçon en 1986, à peine 1% des gendarmes sont des femmes. Aujourd'hui, ce chiffre est de 18% (contre 22% pour l'armée de l'air, 14% pour la marine et 10% pour l'armée*). Son objectif était de travailler au sein de la Gendarmerie mobile, une unité spéciale chargée de maintenir l'ordre public, « et mes instructeurs m'encourageaient en disant que même si les femmes sous-officiers ne pouvaient pas encore y être embauchées, elles le seraient bientôt ». Mais ce ‘bientôt’ « a pris 20 ans », soupire-t-elle. Et aujourd'hui, les femmes ne représentent encore que 2% des unités opérationnelles spécialisées de la gendarmerie, 2% des troupes de montagne et 11% des troupes de motocyclistes. « Je pense que c'est en grande partie parce qu'elles doutent de leurs propres capacités, mais cela fait partie de l'ADN féminin », Anne me dit pensivement. « Une femme a besoin d'être confortée, rassurée, soutenue. Si non elle va douter. Une femme n'est jamais persuadée qu'elle est la meilleure, elle s'autolimite », regrette-t-elle.

Alors, elle est resté cadre formateur dans l'école qu'elle venait à peine de quitter et, lorsqu'elle elle a réussi le concours des officiers « j'ai finalement pu rejoindre la Gendarmerie mobile, ouverte aux femmes officiers ». Elle est devenue l'une des trois seules femmes commandants de peloton, parmi environ 500 à l'échelle nationale. 

Elle rit quand je lui demande qu'elles étaient les réactions des manifestants ou des émeutiers lorsqu'ils se rendaient compte que le commandant était une femme. « Ils étaient souvent tellement surpris qu’ils s’arrêtaient, projectile de brique à la main, et me posaient des questions. Cela suffisait souvent à diffuser la situation. »

La générale de brigade Anne Fougerat rencontre à Paris un réserviste de la police et deux réservistes du 2e régiment étranger de génie déployés dans le cadre de l'opération Sentinelle pour protéger des points sensibles en France. Crédit photo : Garde Nationale

Au cours de ses 35 années de service, les choses n'ont pas progressé de façon linéaire pour les femmes, explique Anne. « Nous allons faire un bond en avant, puis plusieurs pas en arrière », dit-elle, notant que les sauts en avant se produisent généralement lorsque ceux qui détiennent l'autorité y sont favorables. « L'actuelle ministre des Armées, Florence Parly, et sa secrétaire d'État, Geneviève Darrieussecq, y sont très attentives. Mais l'image et la réalité ne sont pas toujours en phase », admet-elle.

« Une femme doit oser deux fois plus qu'un homme », ajoute-t-elle, sur un ton soudain passionné. « Nous devons travailler deux fois plus dur, non seulement pour atteindre nos objectifs, mais aussi parce que nous devons faire face à ceux qui essaient de nous entraver. » Mais elle est contre la parité. « Nous ne serons jamais comme un homme et lorsque cette différence sera acceptée, nous aurons gagné », déclare-t-elle. Pendant ce temps, son conseil aux jeunes femmes est de « ne jamais abandonner ! »

C'est quand elle était formatrice à l'école de gendarmerie de Melun qu'elle a eu ses deux filles avec son mari, de qui elle est récemment séparée. Lui aussi était gendarme à l'époque. La famille a été mutée tous les trois ans environ, mais les filles « se sont très bien adaptées et en fait, la plus jeune vient de rentrer à l'école de gendarmerie de Fontainebleau ! » sourit-elle. Une femme de ménage aidait le couple à la maison tandis que le département des ressources humaines de la gendarmerie « a toujours veillé à ce que l'un de nous ait un poste opérationnel et l'autre un poste de bureau et puis lors de notre mutation suivante, les rôles étaient inversés. »

En août 2017, elle a été promue générale de brigade, la deuxième femme de la gendarmerie à obtenir ses étoiles. La première fut la générale de division Isabelle Guion de Méritens en 2013.

* chiffres fournis par la Gendarmerie nationale