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Lt. Alicia

Le lieutenant Alicia. Crédit photo : Armée de Terre

Elle pensait vouloir être maître-chien dans l'armée de Terre. Mais en fait, le Lt Alicia * est pilote d'hélicoptère. Elle pilote le Puma, un hélicoptère utilitaire bimoteur de taille moyenne à quatre pales. Alicia n'a que 24 ans mais sa maturité, son dynamisme et sa concentration sont étonnants.

Lors de notre conversation animée par Skype interposé, Alicia me raconte que rien dans son passé ne la prédisposait à une carrière dans l'armée. « Mais j'avais vu des documentaires télévisés, j'avais un ami dont le père était dans l'armée et il me parlait un peu de son travail et quand j'ai fait ma journée de préparation à la défense (JAPD) [obligatoire, voir glossaire] cela a confirmé ce que j'avais déjà constaté dans la Réserve : que j'avais besoin de ce cadre très strict militaire ».

Alors, à 18 ans, avec son baccalauréat scientifique en poche, elle a poussé la porte du centre de recrutement de l'armée le plus proche et a dit à l'officier qu'elle voulait être maître-chien. Mais l'homme prévoyant a commencé à l'interroger et lui a dit qu'avec ses bonnes notes scientifiques, elle aurait des chances de réussite dans une grande variété de métiers dans l'armée. Au cours de « nombreuses » visites au bureau de recrutement, peu à peu s’est dessiné l’idée qu'elle devrait essayer d'être pilote « même si je n'avais absolument aucune expérience en aéronautique : je n'avais même jamais pris l'avion », dit-elle, amusée.

Le premier obstacle a été de réussir les tests initiaux : sports, logique, anglais et deux tests psychologiques. Elle a ensuite dû passer un test de simulateur « comme une sorte de jeu vidéo où vous utilisez les deux mains et les deux pieds afin qu'ils puissent voir votre coordination et surtout quelle est votre marge de progression », explique Alicia. « Étant donné que je n'avais aucune expérience de vol, j'avais d'énormes possibilités de progrès », dit-elle en riant. Sur les quatre personnes retenues pour ce test, elle était la seule fille, et le seul candidat retenu à la fin : « Les trois garçons avaient tous beaucoup d'expérience en vol, mais je pense que cela leur a donné des idées préconçues qui les auraient handicapés dans leur progression », observe-t-elle. Elle travaille avec l'un d'eux aujourd'hui, devenu météorologue militaire.

Ont suivies à cette étape initiale deux journées supplémentaires de tests, dont un examen médical poussé. Après avoir franchi tous ces obstacles, les candidats sont placés sur liste d'attente si l'armée n'a pas besoin de nouveaux pilotes à ce moment précis, mais Alicia, elle, n'a pas eu à patienter. Elle a été immédiatement envoyée passer quatre mois au centre de formation des officiers de l'armée à Saint-Cyr Coëtquidan, en Bretagne. Elle était la seule femme parmi les 10 pilotes stagiaires « mais comme j'avais l'expérience de la Réserve, j'en savais plus sur l'aspect militaire que mes neuf collègues, comme marcher au pas, donc en fait j'étais celle qui pouvait leur expliquer les choses ! » Personne ne lui a jamais fait de difficultés, mais « j'aime le [style de vie] militaire », dit-elle simplement.

Elle admet cependant que « une femme doit faire sa place dans l'armée. Nous sommes plus observées simplement parce que nous sommes moins nombreuses, donc nous sommes plus visibles ». Elle établit un parallèle : « c'est comme quand un homme se forme pour être infirmier. Ils se démarque parce qu'il est en minorité, donc les gens s'en souviennent ! »

Après une formation de base à Saint-Cyr, Alicia s'est rendue à Dax dans le sud-ouest de la France pour sa formation de pilote qui dure 18 mois. « C'était beaucoup plus difficile parce que je n'avais aucune formation théorique en aéronautique, donc j'ai trouvé cela vraiment, vraiment difficile. » Après avoir réussi l'examen théorique final, elle a pu apprendre à piloter un hélicoptère. « On volait tous les jours et étions notés pour chaque vol, donc il fallait être bon, tous les jours. » À la fin de leur formation, les jeunes pilotes sont qualifiés sur hélicoptère civil et puis, en fonction de leurs capacités, sont affectés sur des hélicoptères de transport ou des hélicoptères de combat. « Vous restez généralement dans la catégorie où on vous a affecté : il est extrêmement inhabituel d'en changer », remarque-t-elle.

Avec leur qualification civile en poche, les jeunes pilotes se déplacent ensuite 750 km plein est au Cannet des Maures où ils passent deux ans à obtenir leur qualification militaire. Alicia ne parle pas une seule fois de harcèlement. « La société change », dit-elle, « et personne ne dit qu'il veut voler avec un homme plutôt qu'avec une femme. Je pense que nous sommes complémentaires », poursuit-elle « parce que moi et d'autres femmes pilotes ont des qualités que les hommes n'ont pas, comme être plus souples et plus précises en général en pilotant nos aéronefs ».

Le lieutenant Alicia. Crédit photo : Armée de Terre

Elle est allée s'entraîner au Liban et se déploiera à Djibouti à la mi-octobre, mais à quoi ressemble sa vie quotidienne ? Les jours diffèrent selon qu’un vol soit programmé ou pas. « Parfois, nous pouvons voler tous les jours, puis rester cloués au sol pendant une semaine. Le vol dure essentiellement toute la journée, car il faut d'abord se préparer pour le vol et réviser les bases ; il faut ensuite jusqu'à une heure pour vérifier l'aéronef, puis nous effectuons le vol et avons un debriefing après. Et les jours sans vol, il y a tous les autres travaux à faire ! » explique Alicia.

Tous les pilotes d'hélicoptère de l'armée de Terre signent un contrat de 10 ans après leur qualification, donc Alicia aura 32 ans lorsque son contrat pourra être renouvelé. Pour le moment, elle ne peut pas imaginer faire autre chose. « Cette carrière semblait totalement inaccessible à quelqu'un comme moi, mais si moi j'ai réussis alors n'importe qui le pourrait ! » rit-elle. Dans 10 ans Alicia espère être toujours dans l'armée « mais peut-être aussi être mère, mariée. J'aimerais vraiment rendre mes vies professionnelle et privée compatibles », dit-elle pensivement.

* Son nom de famille n'est pas révélé pour se conformer au règlement du Ministère des Armées