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Ex-Lt.Colonelle Sophy Gardner

Photo personnelle

Photo personnelle.

Sophy Gardner, vétéran de la Royal Air Force (RAF), n'a pas encore 50 ans mais déjà quatre vies distinctes : doctorante, politicienne, entrepreneuse et commandant d'escadre. Actuellement doctorante à l'Université d'Exeter, la thèse qu'elle espère soumettre d'ici l'automne 2019 sur le thème de la puissance aérienne et de la politique devrait lui ouvrir la voie vers une cinquième vie, celle d'universitaire.

Sophy se décrit comme la « brebis noire » militaire d'une famille d'avocats où « maman ne me laissait même pas jouer avec des pistolets à eau quand j'étais petite ! » Elle se souvient avoir toujours voulu être pilote militaire, mais les conseillers d'orientation lui ont dit que c'était impossible. Même British Airways n'embauchait pas de femmes pilotes au début des années 80. Alors elle a intégré Newnham College, un des collèges de l'Université de Cambridge, d'où elle est sortie en 1991 avec une licence en géographie et les félicitations du jury. « Je pense que d'avoir fréquenté un collège réservé aux femmes fut primordial pour la suite, car pendant trois ans j'étais entourée de femmes qui menaient et qui réussissaient. » Elle s'est inscrite à l'escadron universitaire de l'armée de l'air où elle a appris à piloter, puis à mi-chemin de son parcours universitaire, la RAF ouvrit finalement ses portes aux femmes pilotes. « Je pense qu'en grande partie c'est parce qu'ils étaient à court de pilotes », dit-elle en riant. Bien que la RAF « ait vraiment changée » en ouvrant plus d'emplois aux femmes « il y a encore très peu de femmes pilotes » regrette-t-elle. Pourquoi? « Je pense qu'il s'agit en grande partie d'un manque de modèles à suivre. Si vous voyez des femmes dans un job, vous savez que c'est possible, mais j'ai récemment rencontré des écoles et des conseillers de carrière qui ne savaient toujours pas que les filles pouvaient être pilotes !»

Au cours de ses 20 années dans la RAF, Sophy a été la première femme à occuper chacun des postes qu'elle a eu, depuis la gestion des opérations de vol sur un porte-avions, au commandement de l'escadron de transport et de ravitaillement, jusqu'à son dernier poste de commandant de l'escadron des opérations à RAF Valley sur l'île d'Anglesey au Pays de Galles.

« Mon travail consistait à maintenir le terrain d'aviation ouvert et opérationnel, à garantir le bon fonctionnement de tous les systèmes informatiques, le bon déroulement de nos opérations de renseignement et, surtout, de la sécurité. » Elle est fière que sous son commandement « nous n'avons eu aucun accident ».

Sophy réfléchit longuement avant de répondre à une question sur les problèmes qu'elle a pu avoir parce qu'elle est une femme. « Il y en a eu tellement, je dois trouver des exemples qui ne soient pas trop spécifiques sinon les personnesimpliquées pourraient se reconnaître ! » Elle se souvient que « certains hommes quadras et quinquas quand j'avais la vingtaine étaient absolument contre le fait que les femmes puissent piloter. Mais mes camarades de promo n'étaient pas de leur avis, ils me considéraient comme un pote. » À la fin de sa première semaine dans son premier escadron, où elle était la seule femme, son patron lui a filé un sac de linge sale à laver. « Bien sûr, j'ai refusé », dit-elle en riant, toujours incertaine s'il était sérieux ou pas. Plus troublant, lors de son déploiement en Irak en 2003, un de ses collègues insistait lourdement qu'une femme n'était pas capable de faire le travail que Sophy devait faire et lui indiqua sa « déterminationque je sois renvoyée chez moi ». Non seulement elle ne fut pas renvoyée, mais elle reçue les félicitations pour un travail bien fait ; l'homme a reconnu son tort. « Mais je pense que si vous m'aviez posé cette question il y a sept ans, lorsque j'étais encore en uniforme, je vous aurais répondu différemment, j'aurais dit que tout allait bien. Je connais beaucoup de femmes toujours engagées qui déclarent que tout va bien, mais c'est avec le recul que je me rends compte que certaines remarques étaient extrêmement déplacées », soupire-t-elle.

Elle avait choisit la RAF avec la ferme intention de devenir pilote. Suite à sa formation d'officier à RAF Cramwell, elle est passée à l'apprentissage du combat de base et du vol de manœuvre, sélectionnée pour la formation d'avion de chasse sur un Hawk. « Malheureusement, j'ai échoué au dernier obstacle : la phase d'armes tactiques. » Bien qu'elle aurait pu passer à un autre avion, une tragédie personnelle en décida autrement et elle cessa de piloter. « Vous savez, une fois que vous avez piloté un Hawk à 800 km/h, piloter un avion civil à 160 km/h ce n'est pas très excitant », remarque-t-elle lors de notre échange via Skype. Comme elle avait beaucoup de temps libre en attendant d'autres formations, elle retourna à Cambridge pour y faire un troisième cycle d'études européennes où elle s'est penchée sur l'utilisation de la puissance aérienne pendant les opérations de maintien de la paix.

Sophy a combattu en première ligne au Congo, en Irak et en Afghanistan. Elle admet qu'entre 25 et 35 ans elle s'est entièrement concentrée sur sa carrière. Elle n'a jamais eu d'enfants, mais aime ceux de son compagnon. « Avoir des enfants aurait été impossible avec mes déploiements et je ne connaît pratiquement aucune camarade qui en a eu », me raconte-t-elle.

Pour mieux s'impliquer dans le parti travailliste, dont elle était membre depuis 2003, elle démissionna de la RAF en 2011. En parallèle elle créa une entreprise pour gérer les relations médias et relations publiques pour le compte d'associations militaires et faire de l'événementiel. Elle fut la candidate travailliste pour la ville de Gloucester lors des élections générales de 2015 ; elle arriva deuxième. Comment fait-elle pour concilier sa formation militaire avec un parti de gauche, généralement anti-militariste?

« La philosophie de l'armée est basée sur un travail d'équipe, pas individuel. Dans une opération militaire on ne peut rien faire tout seul. C'est collectif, et ça c'est beaucoup plus travailliste que conservateur », explique-t-elle, ajoutant sobrement que « la plupart des vétérans n'aiment pas la guerre parce que nous l'avons vue de près. Comparée à beaucoup, je me soucie probablement plus à ce que nous ne nous impliquions pas dans des guerres inutiles. »