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Lt-colonelle Caroline

Lt-colonelle Caroline. Photo personnelle

Une rencontre fortuite avec un officier de l'armée de l'air française lors d'un atelier d'orientation professionnelle, une conversation avec un ami pompier et un accident de voiture : voici les moments charnières de la vie de la Lt. Colonelle Caroline *. « J'étais en licence de physique mais je rêvais de devenir violoniste professionnelle. Un accident de voiture m'a fait comprendre que la vie est courte, qu'il faut donc la vivre pleinement et puis la discussion avec ce copain pompier sur les valeurs et le service public ainsi que la rencontre à l'atelier d'orientation ont tous contribué à ma décision de m'engager dans les forces armées », explique-t-elle.

Il n'y avait aucun militaire parmi les membres de sa famille alors ses parents, perplexes devant son choix, insistèrent pour qu'elle termine d'abord ses études. « Je n'étais pas tout à fait prête pour m'engager de toute façon », fait-elle remarquer, alors elle a débuté un master en physique. Mais quelques mois plus tard, elle change d'avis. « J'ai arrêté mes études et me suis engagée dans l'armée de l'air en tant que sous-officier en janvier 1999. »

À l'époque elle hésite entre l'armée de l'air et la marine, l'armée de terre ayant été éliminée d'office : « c'est très dur et je n'étais pas sûre de réussir les tests physiques », raconte-t-elle. Bien qu'originaire de Bretagne, le bassin de recrutement traditionnel de la marine, « ça me faisait plus rêver de travailler sur des avions que sur des bateaux ». Son choix se porta donc sur l'armée de l'air.

Mais pourquoi, je lui demande, étant diplômée universitaire, ne s'est elle pas engagée comme officier ? Un peu gênée, elle me répond que simplement « personne ne m'a dit que c'était possible ! Mais je ne le regrette pas du tout parce que je comprend mieux, en tant qu'officier, les défis auxquels sont confrontés les sous-officiers, pour l'avoir été moi-même. » Compte tenu de son intérêt pour la technologie, et de ses problèmes de vue qui lui interdisait une carrière de pilote ou de contrôleur aérien, elle a choisi très sereinement de devenir mécanicienne.

« Il y avait très, très peu de femmes parmi les mécaniciens, mais cela n'a jamais été un problème », souligne-t-elle. Le seul incident sexiste de sa carrière, « mais c'était un cas très exceptionnel et cela ne s'est jamais reproduit », a eu lieu juste après sa qualification : un pilote, dont elle avait préparé l'avion, demanda à un mécanicien de tout vérifier « parce qu'il n'avait pas confiance que j'avais fait le travail correctement ! » Mais, dit-elle en riant, « le chef de service l'a entendu et il s'est fait remonter les bretelles ! »

Trois ans plus tard, en ayant réussi l'examen d'officier, Caroline passa deux ans (au lieu de trois compte tenu de son parcours militaire) à l'école de l'Armée de l'Air de Salon de Provence.

La ligne directrice dans sa carrière a été de « toujours être contente de faire mon travail. J'ai eu des opportunités et de la chance, un petit peu, qui m'ont permis de tranquillement gravir les échelons ».

Caroline a commandé deux unités dont, l'année dernière, l'escadron de soutien technique aéronautique (ESTA), à la base 118 colonel Constantin Rozanoff à Mont-de-Marsan, dans le sud-ouest de la France, la base des avions de combat Rafale. « J'avais environ 650 mécaniciens, dont 60 femmes, sous mes ordres », explique-t-elle. « Notre mission était de préparer tous les avions, Rafale, Mirage et Alphajet de l’unité, à réaliser les missions demandées. Les personnels étaient en charge de préparer les aéronefs pour le vol, de réparer les pièces, et de s’assurer du respect de la documentation et de la bonne formation du personnel. Les avions volent ainsi en toute sécurité. »

« Ce fut une expérience super riche, super intéressante. C'est l'un des postes où j'ai le plus appris », dit-elle avec enthousiasme.

Cette année scolaire Caroline étudie à Paris. Elle est à l'Ecole de Guerre après avoir réussi un concours sélectif pour y entrer et, clairement, cela lui plaît. « Si nous sommes ici, c'est pour être préparé pour des emplois stratégiques », explique-t-elle. « C'est une année pour nous, pour nous permettre de nous asseoir et de faire le point. Il y a 57 nationalités différentes et un certain nombre de civils aussi. Nous apprenons à nous connaître nous-mêmes, à comprendre le monde qui nous entoure, à commander et à nous exprimer en fonction des circonstances. »

Lt-colonelle Caroline sur la base aérienne 118. Photo personnelle.

Pendant ce temps, son mari, sous-officier de l'armée de l'air, et ses deux filles adolescentes sont restés chez eux dans le sud-ouest de la France. « Je rentre à la maison tous les week-ends mais pendant mes absences mon mari est entièrement responsable de la maisonnée », dit-elle, concédant avec un peu de nostalgie qu'elle a l'impression d'avoir perdu le contrôle du temps passé avec sa famille et qu'elle « a perdu la main au sens relationnel ». Son mari est aussi le cuisinier de la famille « heureusement, car je suis nulle en cuisine ! », s'esclaffe-t-elle.

Caroline admet très volontiers qu'elle est extrêmement chanceuse que son mari « ait toujours pleinement soutenu mes mutations professionnelles. Sans ce soutien, je n'aurais pas eu la carrière que j'ai eue. »

Mais pour que leurs deux carrières avancent, le couple, ainsi que le service des ressources humaines de l'Armée de l'air, ont veillé à ce que lui ne soit jamais sous le commandement direct de Caroline. « Cela s’est juste produit une seule fois lorsque j'étais plus jeune et ce fut compliqué et inconfortable pour nous deux. »

Elle conseille aux jeunes femmes qui seraient à la recherche d'une carrière où elles trouveraient du respect, de l'intégrité, de l'excellence et un sens du service public (les valeurs de l'armée de l'air française), qu'elles devraient « regarder la richesse de tous les métiers que l'armée de l'air propose aux femmes aujourd'hui ».