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Mélanie Ouillon-Simon

Mélanie Ouillon-Simon. Crédit photo : Brian du Halgouet

Mélanie voulait être médecin-nutritionniste. Au lieu de cela, cette jeune femme éloquente de 25 ans révolutionne la façon dont les commandos grignotent. Vous pensez peut-être que le grignotage est banal, mais la recommandation « ne pas manger entre les repas » ne vaut pas pour les personnes qui entreprennent des travaux physiques pénibles dans des conditions difficiles : elles ont besoin de ces calories supplémentaires !

Le livre de Mélanie. Crédit photo : Christina Mackenzie

Mélanie a tout simplement échoué au concours de 2ème année de médecine. « J'ai donc décidé de me concentrer sur l'aspect nutritionniste parce que cela cadrait avec ma mission d'aider les autres. » Ses deux années de faculté de médecine lui ont permis d'entrer directement en troisième et dernière année d'un DUT en génie biologique suivi de la dernière année d'une licence en nutrition. Elle a ensuite fait un Master en nutrition et sciences de l'alimentation à AgroParisTech, un institut d'enseignement supérieur et de recherche en sciences de la vie, de l'alimentation et de l'environnement.

Ah oui ! Tout en travaillant son master, elle a écrit un livre, le « Guide indispensable de la nutrition » !

Les stages obligatoires dans les hôpitaux, les cliniques et les pharmacies qui ont émaillé ses études l'ont convaincu qu'elle voulait être son propre chef. Elle a donc postulé pour le Master entrepreneur d'un an en 2018-19 organisé conjointement par deux des principaux instituts d'enseignement supérieur et de recherche français : HEC (commerce) et Polytechnique (ingénieur).

Polytechnique est une école militaire, donc tous ceux qui y participent passent du temps à suivre une formation militaire. « Je suis admirative des militaires », me raconte Mélanie autour d'une tasse de café. « Pour moi, ce sont tous des super-héros et parmi mes professeurs j'avais un capitaine de vaisseau d'un SNLE [sous-marin] et un pilote de la Patrouille de France [l'équipe de démonstration de l'armée de l'air française] et ils m'ont vendu du rêve. Depuis lors, sa mission est de « mieux nourrir ceux qui nous protègent ».

Un échange d'un trimestre avec l'Université de Californie à Berkeley lui a été l'occasion « de m'incruster dans la classe de la U.S. Air Force ! » Les étudiants militaires français et américains ont été intrigués par sa formation de nutritionniste, de sorte que le discours s'est naturellement tourné vers leurs rations de combat et ce qu'ils en pensaient.

« Il m'est apparu très vite que les soldats français n’aimaient pas vraiment la 'barre de combat' qui leur était fournie comme appport de calories pendant les missions [« ils ont un arrière-goût horrible » me dit-elle] alors ils achetaient lesbarres disponibles dans le commerce. » Ceux-ci, lorsqu'ils sont rangés dans les poches ou les sacs à dos des soldats, s'écrasent, s'émiettent, fondent, collent au papier d'emballage et sont généralement salissants et peu pratiques à manger. Ils ne sont pas satisfaisants non plus en termes nutritifs.

Le sous-marinier de Polytechnique lui a suggéré de développer une collation de combat « et en une nuit j'ai eu l'idée », dit-elle en riant. Elle a testé diverses recettes dans la cuisine de sa mère où de nouvelles recettes sont encore en cours d'élaboration. Le résultat est « super-aliments optimisés pour l'armée » ou Military Optimized Superfoods en anglais, qui, abrégé, devient MOS ce qui, en plus, correspond exactement à ses propres initiales ! Après de longues discussions avec ses camarades, et plus récemment avec des commandos de l'armée, de la marine et de l'armée de l'air, elle a décidé que les collations devaient être rondes (plus petites qu'une balle de ping-pong mais plus grosses qu'une grosse bille) « inspirées de la cellule humaine et les planètes ». Elles devaient également être entièrement écrasables, incassables et agréables à manger. Le résultat c'est des boules qui ne font pas de miettes, ne fondent pas, ne durcissent pas dans des conditions de froid extrême, et peuvent même être mangées sous l'eau par des plongeurs de combat [croyez-moi, j'ai vu la vidéo !]. Ah, et elles ont vraiment bon goût [j'en ai goutées].

Les collations contiennent essentiellement des ingrédients riches en calories tels que du riz, des noix, des dattes, des raisins secs et du chocolat, combinés avec du thé (pour la théine). Elle a développé 10 recettes différentes « toutes sucrées pour le moment mais je travaille sur des recettes salées, ainsi que des boissons », explique-t-elle, en ajoutant qu'elle travaille aussi sur un emballage comestible.

Mélanie a été une micro-entreprise d'une femme (enfin, deux femmes parce que « ma mère a été mon plus grand soutien») jusqu'à très récemment lorsqu'elle a embauché un assistant pour l'aider à rouler les boules à la main. C'était un travail qu'elle faisait elle-même, en roulant plusieurs milliers de boules par semaine, mais la demande a maintenant dépassé l'offre et elle est en train d'industrialiser le processus.

Son emploi du temps commence à ressembler à celui d'un ministre. Elle a été invitée à s'adresser au printemaps à la conférence ontarienne Tide Sprint en Suède, elle sera au salon des forces spéciales quelques jours avant cela et, cet été, aura un stand au salon terrestre et aéro-terrestre Eurosatory à Paris.

Mais Mélanie n'a jamais oublié le conseil qu'elle a reçu à la UC Berkeley: penser plus grand. « L'un de mes rêves est de nourrir les militaires », dit-elle et non seulement de leur fournir des collations. Gardez son nom dans un coin de votre esprit. Vous entendrez beaucoup parler de cette jeune femme.