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Stéphanie Soton

Stéphanie Soton. Crédit photo : Christina Mackenzie

Ne méprisez pas l’importance des activités de vacances : elles peuvent devenir le facteur déterminant d'une vie. C'est le cas pour Stéphanie qui a découvert la voile en vacances à 18 ans et qui a été mordue !

Alors, évidemment, son choix s’est porté sur la marine pour l'année obligatoire de formation militaire à l'Ecole Polytechnique [voir lexique]. Elle a passé six mois à bord de la vieille frégate Georges Leygues « où j'ai découvert la vie en mer que j'ai vraiment, vraiment adoré. Ce fut une expérience humaine extrêmement riche. » Seize ans plus tard elle possède toujours les T-shirts en coton bleu foncé siglé du nom du navire et en portait un par hasard sous son bleu de travail le jour où je l'ai interviewée au chantier de Naval Group à Lorient, en Bretagne.

Stéphanie a accompli son stage de troisième année chez Naval Group, qui s'appelait à l'époque DCNS, puis a choisi de passer sa quatrième année à étudier les sciences du génie maritime à l'Université de Southampton, où elle fut major de sa promotion ... un fait qu'elle a discrètement omis lors de notre conversation. « Nous étions deux à vouloir étudier là-bas mais nous avons dû nous battre pour y aller car les autorités de Polytechnique n'en avaient jamais entendu parler ! » Paradoxalement, elle a découvert depuis que son Master en Sciences (MSC) de Southampton - classé par l'ARWU (Academic Ranking of World Universities) parmi les 15 meilleures universités du monde pour ses cours de génie maritime et océanique, est plus instantanément reconnu par les étrangers que son Mastère en mécanique de Polytechnique. Elle a bien apprécié la méthode d'enseignement à Southampton « beaucoup plus appliqué que la théorie à laquelle j'étais habituée ». Elle a aussi pu améliorer son anglais et passé beaucoup de temps à naviguer dans le Solent !

Avec ses diplômes en main, Stéphanie a pris une année sabbatique. Elle a obtenu un emploi de six mois à Freemantle, en Australie, en tant qu'architecte naval programmateur de bateaux de plaisance. Elle rit quand je suggère qu’elle pourrait éventuellement travailler pour une équipe de l’America’s Cup. « C'est exactement ce que mon camarade de promo de Polytechnique et de Southampton fait pour Team New Zealand ! » s'exclame-t-elle. « Mais il lui a fallu 10 ans pour y arriver et les petits chantiers navals répandus dans le monde de la plaisance font si souvent faillite que je ne voulais pas emprunter cette voie. J'ai préféré un travail dans une grande entreprise, qui offre plus de variété et de possibilités d'évolution professionnelle. » Sa soif d'aventure a été quelque peu apaisée en convoyant un catamaran depuis Auckland à San Francisco « qui a été l'occasion de quelques frayeurs lors de notre traversée du Pacifique Nord en hiver », se souvient-elle.

Elle avait alors 25 ans. Se souvenant de son stage chez DCNS, elle a soumis une candidature et a obtenu un poste en tant qu'ingénieure structure dans le projet de transfert de téchnologie pour les sous-marins nucléaires brésiliens. « Mais vous vous y connaissiez en sous-marins ? » lui demande-je. Elle sourit largement et remarque qu '« il existe très peu de cours de conception de sous-marins dans le monde, vous pouvez donc apprendre sur le tas ». Mais le client, des militaires brésiliens nettement plus âgés qu'elle envoyés en France pour apprendre les secrets de la construction d'un sous-marin nucléaire, s'attendaient à être instruits chez DCNS par de vieilles mains très expérimentées aux cheveux blancs plutôt que par une jeune femme. « Au début, les relations étaient extrêmement conflictuelles en raison de l'écart entre ce qu'ils attendaient et ce que nous avions initialement préparé lors du transfert de technologie. » Elle allait au travail tous les matins « sans vraiment traîner les pieds mais sans beaucoup d'enthousiasme non plus » avoue-t-elle, jusqu'au jour où elle s'est évanouie devant eux. La confiance a progressivement pu être rétablie après quelques cours supplémentaires et des ajustements de fonctionnement, alors quand est venu le moment pour déménager l'instruction vers São Paulo, les Brésiliens l'ont expressément demandée.

Elle passe ensuite un an à São Paulo seule, son compagnon restant en France. «Toute cette expérience m'a appris à gérer les conflits et aujourd'hui, je suis mieux en mesure de gérer les situations conflictuelles », fait-elle remarquer doucement, ce qui pourrait se révéler utile avec ses enfants de 1 et 3 ans ! Les tâches familiales sont réparties de façon équitable entre son compagnon et elle, chacun prenant un congé deux mercredis par mois pour rester à la maison avec les petits.

À son retour du Brésil en juin 2013, Stéphanie a été nommée responsable de la conception en tant qu'architecte naval des sous-marins en service vendus par Naval Group. « Une sorte de service après-vente, si vous voulez », explique-t-elle.

En mars 2016, il était temps d’évoluer. Elle a migré vers le secteur des navires de surface. Elle est devenue aujourd'hui la cheffe de bord de la 9e frégate FREMM, « Alsace ». Cela veut dire qu'elle assume la sécurité de la main-d'œuvre, l'organisation du travail et la compatibilité des activités sur le chantier (par exemple pas de peinture et de soudure en même temps). « Je suis également chargée de veiller à ce que les différentes phases de travail soient achevées à temps, de sorte que les principales étapes telles que le lancement ou le premier essai en mer se déroulent dans les délais », dit-elle.

Le 1er avril, elle changera de nouveau d'emploi pour un poste où elle abandonnera casque et bleu de travail : directrice de projet Patrouilleurs. « En d'autres termes, je vais devoir définir la meilleure stratégie pour gagner le contrat ! » 

Tout cela parce qu'elle est partie naviguer un jour ! Ah oui, elle est aussi forte en maths.