Ex-capitaine Graciela Tiscareño-Sato
Graciela a vite compris que les seuls élèves dans son lycée du Colorado septentrional qui passaient leurs vacances en Europe étaient ceux dont les parents avaient un diplôme universitaire. Tandis que je me promène virtuellement avec cette femme charmante, pétillante et expansive dans son nouveau potager près de San Francisco (« nous avons beaucoup jardiné pendant le confinement », rit-elle), elle me raconte que ses parents, immigrés mexicains, n'avaient pas prévu d’études supérieures pour leurs cinq enfants. Mais si Graciela a finalement beaucoup voyagé en Europe, et ailleurs, c'est grâce à une conseillère scolaire qui l'a accompagnée jusqu’à ce qu'elle obtienne une place a l'Université de Californie à Berkeley, et au mari de celle-ci, officier dans l'U.S. Air Force, qui l'a aidée a obtenir une bourse.
À 17 ans elle s'est retrouvée face à cinq officiers qui l'interrogeaient sur ses motivations à s'engager dans l'armée de l'air « C'était comme si je témoignais devant le Congrès et ils m'ont posé toutes sortes de questions », se souvient-elle. Une en particulier lui reste en tête : serait-elle objecteur de conscience ? « Je ne savais même pas ce que cela signifiait ! Une fois qu'ils me l'ont expliqué, je leur ai dit que je ne serais pas là si j'allais être objecteur de conscience ! »
Sa mère, dubitative, était d'accord pour qu'elle aille a l'université à condition qu'elle vive à la maison. Le jour où deux plis atterrirent dans la boîte aux lettres, l'une contenant l'admission à Berkeley et l'autre lui attribuant une bourse de quatre ans dans le cadre du programme de formation des officiers de réserve de l'armée de l'air (AFROTC), « ma mère a pleuré, et ce n'étaient pas des larmes de joie...» Néanmoins, ses parents, fiers de leur fille mais la trouvant néanmoins « bizarre », l'ont conduite vers sa nouvelle vie en Californie pour qu'elle y étudie la conception / l'architecture environnementale en parallèle aux études aérospatiales obligatoires en tant qu'élève-boursière AFROTC.
Dans le cadre de ses cours, Graciela passa deux semaines à visiter différentes bases de l'armée de l'air. « Parce que j'étudiais l'architecture, je pensais finir dans un escadron de génie civil. J’ai été très déçue d’apprendre qu’ils ne concevaient pas de bâtiments ; ils ne faisaient que de les entretenir et réparer des nids-de-poule. »
Mais une sortie en avion avec une pilote l'a mise sur une autre voie. « C'était ma première fois dans un avion et j'ai vraiment adoré. L'instructrice m'a dit que j'étais la seule personne ce jour-là à n'avoir pas vomi », dit Graciela, ravit. « Elle m'a dit 'Si vous voulez voler, dites au personnel de l'AFROTC que vous voulez voler.' » C'est ce qu'elle a fait.
En même temps que sa licence, Graciela obtint une commission de l'armée de l'air pour devenir officier navigateur. Six mois plus tard, la sous-lieutenante Tiscareño commença son service actif en formation navigation. Le jour de la cérémonie de fin de formation, elle demanda à Genro Sato, un jeune civil Japonais, d'être celui qui épinglerait les ailes d'argent sur son uniforme. Ils se connaissaient depuis leur rencontre dans la fanfare de U.C. Berkeley où ils pratiquaient le trombone. Une heure après la cérémonie, il lui demanda sa main. « Et nous sommes mariés depuis 28 ans », sourit-elle.
Elle était la seule femme dans sa classe de 32 élèves (dont 24 qui ont achevé la formation) à Mather Air Force Base à Sacramento. « Je n'ai jamais eu l'impression que je ne devrais pas être là. Les autres lieutenants avaient tous subi le même processus de sélection. Vous ne pouvez pas vous faufiler dans l'entraînement au pilotage militaire alors ils savaient que j'étais aussi légitime qu'eux. »
Graciela s'est ensuite entraînée sur le ravitailleur KC-135R avant de rejoindre le 43e Escadron de ravitaillement en vol à Fairchild Air Force Base à Spokane, Washington. Son premier déploiement fut en Arabie saoudite, où elle fit partie d'un des premiers équipages à patrouiller et à faire respecter la zone d'exclusion aérienne dans le sud de l'Irak à la fin de la guerre du Golfe. Ces patrouilles étaient désignées comme vols de combat parce que les tirs ennemis étaient « probables et attendus ». Mais à cette époque, la législation états-unienne n'autorisait pas la participation des femmes aux combat, alors quand son équipage a été désigné pour recevoir une décoration il a failli ne pas l'obtenir à cause d'elle !
Au cours de sa carrière de 10 ans dans l'U.S. Air Force, Graciela n'a pas seulement fait du ravitaillement (sa préférence en cette matière va vers le SR-71 Blackbird qui effectue des missions à vitesse supersonique à haute altitude). Elle est devenue formatrice et a obtenu une maîtrise en gestion internationale. « Et je suis allée en Arabie saoudite presque tous les ans », soupire-t-elle ... manifestement pas une de ses tâches préférées !
Elle a servi au Centre d'opérations aériennes combinées de l'OTAN à Vicenza, en Italie, qui coordonnait toutes les missions d'appui aérien rapproché sur les théâtres de Bosnie-Herzégovine. Deux ans plus tard, elle a dirigé un groupe inter-armes de techniciens en communication à l'ambassade des États-Unis à Quito en Équateur, en appui des opérations anti-stupéfiants. Lors de son séjour en Italie, elle commença a s'intéresser aux communications sans fil, alors elle travailla sur son mémoire de maitrise sur l'industrie des télécommunications pendant son séjour en Équateur et décida que ce serait sa porte de sortie de l'armée de l'air.
« J'allais être promu commandant, mais le prochain poste aurait été derrière un bureau. L'armée de l'air ne voulait pas me laisser faire autre chose, donc avec mon obligation de service terminée, j'ai pris ma carrière en main, j'ai quitté l'Armée de l'air et je suis allé travailler pour Siemens. »
Neuf ans plus tard, elle démissionna de nouveau pour fonder une société d'édition, de marketing et de communication appelée Gracefully Global Group. Graciela est l'autrice de la série de livres à succès bilingue (anglais/espagnol) Captain Mama, la première à présenter des mères engagées dans les forces armées. Elle sait de quoi elle parle, ayant elle-même trois enfants. Son aînée, Milagro, est née après 25 semaines de gestation ne pesant que 505 grammes. Aveugle de naissance, Milagro vit également avec une déficience auditive sévère. Mais grâce à des technologies d'aides auditives sophistiquées, elle a l'oreille absolue et se joint aux activités musicales de la famille en jouant du piano et de la guitare.
En mars 2014, Graciela fut honorée par le président Barack Obama comme « Ancienne Combattante Championne du Changement ». Aujourd'hui elle s'adresse à un large éventail de publics sur des sujets allant du leadership au STEM de l'aviation et a remporté de nombreux prix.