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Adjudant Astrid

Astrid arbore fièrement l’uniforme de l’EMHM. Crédit photo : armée de terre

Fin novembre, lors de notre conversation, Astrid arbore encore les marques de bronzage imprimées sur le haut de son nez par ses lunettes de soleil. Seule femme instructeur [terme qu'elle préfère à instructrice] à l'École militaire de haute montagne (EMHM) à Chamonix, elle vient de terminer la saison d'escalade et s'apprête avec enthousiasme à aborder la saison de ski.

En parallèle à son travail d'instructeur, Astrid tente de décrocher un diplôme de 'moniteur/guide militaire' en passant d'ici juin 2021 successivement trois stages de quelque semaines. Le premier, cet été, consista à escalader pendant trois semaines les aiguilles rocheuses des Dolomites en Italie. En février prochain elle entreprendra le stage d'alpinisme hivernal, puis il faudra réussir un raid à ski (dont le thème est le grand froid) d'une douzaine de jours soit en Groenland, la Suède ou la France, la situation sanitaire le permettant.

Une fois diplômée, Astrid pourra établir des pédagogies pour entraîner les troupes de montagne avec l'ambition de devenir chef de stage. « Les cours à dispenser sont décidés à l'avance par les chefs, un peu comme le programme du bac ! Donc on ne touche pas au fond, mais la forme, elle, est modulable et c'est le chef de stage qui la met en place », explique-t-elle. Donc, les parois à escalader, les sommets à atteindre et les pistes à descendre sont choisis par le chef de stage avec des objectifs qui lui sont fixés par avance.

Cela fait 18 ans que cette femme sportive de 1m68 sert dans l'armée. Suite à un bac professionnel en sciences médico-sociales, Astrid est partie un an à New York comme fille au pair. « Et puis je suis rentrée en France chez mes parents dans la région lyonnaise et j'ai passé deux ans à faire des petits jobs en intérimaire », raconte-t-elle. Ensuite, comprenant qu'il est temps de quitter la maison familiale et réalisant « qu'intérimaire ce n'est pas un avenir », elle se tourne vers l'armée de terre. « Je n'y connaissais rien », dit-elle en riant.

Quand on s’accroche par le bout des doigts ! Astrid en mode escalade. Crédit photo : armée de terre

Sélectionnée pour intégrer l'école des sous-officiers à Saint-Maixent « j'en suis sortie sergent en 2002 et puis j'ai passé quatre ans dans l'infanterie comme chef de groupe. » Elle a été déployée en Guyane pendant quatre mois et au Kosovo. Mais, sans s'attarder sur les raisons, elle souligne que « c'est dure pour une femme » et surtout « que faire du combat, en fait, ça ne m'intéressait pas ». 

Comme tous les sports d'extérieur lui plaisent, Astrid décide de demander un changement de spécialité et de s'orienter vers la cellule sports. Elle découvre vite lors de son stage de sept mois au sein du Centre National des Sports de la Défense (CNSD) à Fontainebleau qu'il n'y a pas seulement du sport. La formation comprend aussi des cours de sciences biologiques et humaines, la pédagogie, la législation et la réglementation ; il faut apprendre à maîtriser les bases théoriques, techniques et les règles de sécurité relatives aux disciplines sportives à encadrer ; il faut savoir adapter son action au niveau de fatigue, de forme, d'attitude des pratiquants ; savoir entretenir le matériel et ainsi de suite.

Astrid a trouvé sa place. Elle devient moniteur, puis adjointe, puis chef de cellule sports dans différents régiments dont sept ans passées au 7e Bataillon des Chasseurs Alpins. « Mon job ? Gérer tout ce qui concerne les séances sports pour les militaires » me dit cette femme qui est manifestement exigeante. La montagne étant sa passion, souhaitant partager ce qu'elle sait faire et voulant évoluer « tout le temps, alors j'ai demandé une place à l'EMHM ». Arrivée le 1 juillet 2020, elle passe le mois entier à encadrer un stage de montagne estivale avec de l’escalade et des courses d’alpinisme pour les cadres qui y viennent pour des qualifications et du perfectionnement. Ravie de l'ambiance qu'elle a trouvée à l'EMHM, Astrid dit y avoir été très bien accueillie par tous ses collègues masculins. 

Elle a fait le choix de ne pas avoir d'enfant pour pouvoir vivre sa passion des sports à fond. « Cela demande un investissement personnel en temps. On ne peut pas juste s'entraîner pendant les horaires du travail. Il faut y passer ses week-ends et une partie de ses vacances, » dit-elle, en soulignant avoir trouvé un équilibre qui lui convient entre ses vies professionnelle et personnelle. Peut-être un peu casse-cou plus jeune, Astrid dit être devenue « un peu plus vigilante » depuis qu'elle a frôlé de près une avalanche. De toute façon aujourd'hui, souligne-t-elle, « quand on est responsable on fait plus attention »

Astrid. Crédit photo : Sandra Städeli

Manifestement peu encline aux vantardises, Astrid passe sous silence, lors de notre conversation WhatsApp, qu'elle détient la médaille américaine des sports,  le brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique [obligatoire pour tous les moniteurs de sport militaire], qu'elle a décroché son brevet de parachutiste français en 2009 et allemand l'année suivante, qu'elle à réussi l'ascension du Chimborazo (6 350m d'altitude) en Equateur parmi d'autres, et qu'elle adorait entreprendre des Raids, des Ultra Trails et participer à des compétitions de ski ! Mais aujourd’hui elle ne fait «  plus de raids, d’ultra trails ni de compétitions à ski....même si j’en garde un bon souvenir, je préfère partager de chouettes moments avec mes amis en montagne ».