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Sergent-chef Charlotte

Le sergent-chef Charlotte. Crédit photo : Armée de l’Air et de l’Espace

Parfois les parents ne se rendent pas compte que le journal télévisé peut avoir une forte impression sur leurs jeunes enfants et même déterminer ce qu’ils choisiront comme métier. Ce fut le cas pour Charlotte, marquée petite par les images de la Guerre du Golfe et aujourd’hui démineuse. « Je pense vraiment que ce sont ces images qui m’ont décidé d’être militaire. De toute façon je ne me souviens pas d’avoir voulu faire autre chose que d’être militaire », sourit-elle rapidement.

Et puis, quand elle était en classe de 3e Charlotte est allée en voisine visiter la Base Aérienne de Tours lors d’une journée portes ouvertes. Un stand a particulièrement capté l’attention de la jeune fille : celui des démineurs, les NEDEX (neutralisation, enlèvement, destruction des explosifs). Ou, comme le dit Charlotte avec un charmant accent français quand elle prononce les mots anglais, « pour utiliser la terminologie OTAN, je suis EOD, explosive ordnance disposal ».

Les NEDEX sur le stand ont dû être bien convaincants car à partir de ce moment-là « j’étais décidée que c’est ce métier que j’allais faire ».

Le désir de se rendre utile aux autres est fortement ancrée chez cette jeune femme réfléchie, posée,diplomate et qui a des suites dans les idées. A 16 ans elle était pompier volontaire, puis dès qu’elle l’a pu, à 18 ans et encore lycéenne, elle est devenue réserviste dans l’armée de l’air « pendant mes vacances scolaires et pour me conforter dans mon choix de faire carrière au sein des forces armées ». Elle avait déjà choisi son bac en fonction de son futur métier. « On m’avait conseillé que faire un bac STI (sciences et technologies industrielles) productique serait judicieux pour bien préparer le concours d’entrée à l’école des sous-officiers de l’Armée de l’Air à Rochefort ».

Le sergent-chef termine un exercice. Crédit photo : Armée de l’Air et de l’Espace

Dans cette école les futurs sous-officiers sont admis en fonction de la spécialité à laquelle ils se destinent. Pour Charlotte, en 2009, c’était armurier car il faut avoir fait ce métier pendant deux ans avant de pouvoir postuler à la formation NEDEX. « On fait tous ensemble nos classes militaires pendant quatre mois et demi et puis après chacun va vers sa spécialité. » Pour Charlotte c’était sur place à Rochefort. 

En attendant de pouvoir postuler à la formation NEDEX qui se passe à Angers au PIAM, Pôle Interarmées Munex, sous la direction de l'Ecole du Génie, Charlotte s’occupe des munitions sol/air à la Base aérienne 118 de Mont-de-Marsan pendant deux ans. Et puis elle pose sa candidature. Elle passe un entretien psychologique, des tests psychotechniques, réussit les mises en situation. Il y a-t-il des personnalités types pour faire ce métier très particulier ? D’après Charlotte « il faut être calme, réfléchie, pouvoir s’adapter et se remettre en question perpétuellement. Il ne faut pas rester sur ses acquis et il ne faut surtout pas avoir un excès de confiance ».

Un peu moins de 60 personnes sont actuellement NEDEX dans l’Armée de l’Air et de l’Espace. « Je suis la dernière arrivée des trois femmes NEDEX », sourit-elle. Pour faire ce métier il faut une certaine forme physique, concède-t-elle, car la tenue de déminage pèse 40 kg et le matériel qu’elle doit porter « pèse une dizaine de kilos ». Mais c’est surtout le casque de 7kg que Charlotte trouve lourd. Cette tenue de protection en kevlar la protège du blaste de l’explosion d’une charge d’un kilo à un mètre. Les NEDEX sont mains nues par contre, car il faut avoir toute sa dextérité pour pouvoir démanteler une bombe.

Aujourd’hui, face à un colis suspect, les démineurs actionnent d’abord un petit robot pour leur renvoyer des images, voire même radiographier l’objet. « Cela ne nous renseigne pas sur les produits chimiques qui peuvent composer l’engin mais ça nous permet d’essayer de savoir comment fonctionne le système de déclenchement », explique-t-elle. Ils ont aussi à leur disposition des systèmes de brouillage pour éviter que la bombe ne soit déclenchée à distance (par un téléphone portable, par exemple) au moment où ils s’en approchent.

Les interventions se font toujours en binôme. « Le numéro 1 intervient tandis que le numéro 2 prépare le matériel et discute avec le numéro 1 de façon réfléchie sur la meilleure approche ». Charlotte explique que les NEDEX « ne travaillent pas tous de la même manière » et qu’il est donc utile d’avoir ces échanges entre binômes.

La jeune femme, très modeste, dit n’avoir pas encore assez d’expérience pour devenir instructeur mais trouve l’idée « plaisante ».

Charlotte en tenue de protection. Crédit photo : Armée de l’Air et de l’Espace.

Aujourd’hui, 12 ans après avoir commencé sa carrière, Charlotte est à l’État Major où elle gère la partie logistique du matériel NEDEX. Pour arriver à ce stade elle a passé avec succès entre 2012 et 2014 sept stages qui mélangent théories et pratique sur le terrain, dont le dernier, de sept semaines, avait comme sujet : « munitions chimiques et colis sales », c’est à dire des colis qui contiennent des poisons comme le gaz sarin utilisé dans l’attentat du métro de Tokyo le 20 mars 1995 qui a fait 13 morts et plus de 6 300 blessés. 

Ces stages « ne sont pas donnés », dit-elle. Il faut être prête à « beaucoup travailler » et « être bosseur » car « il y a énormément de choses à apprendre ». Elle en a un peu oublié aujourd’hui mais il fut un temps où elle connaissait toutes les munitions, fabriquées par tous les pays du monde depuis la Deuxième Guerre Mondiale !! « Il faut être capable de reconnaître l’origine d’une munition », explique-t-elle.

Nous évoquons les risques du métier. Charlotte souligne que« homme ou femme, c’est exactement la même chose, ça reste un militaire et la vie d’un homme n’a pas moins de valeur que celle d’une femme. On est tous investis sous le même drapeau. »