Morena a de la suite dans les idées. Aujourd’hui Secrétaire Général du groupe européen de défense MBDA, cette femme drôle, vive, et féminine jusqu’au bout des ongles – vernis - avait annoncé à l’âge de trois ans à ses parents qu’elle serait ingénieure aérospatiale ou astronaute. « Je ne sais pas d’où m’est venue cette idée car mes parents n’étaient pas du tout dans ce secteur. Je suppose que je suis née comme ça », raconte-t-elle dans un grand éclat de rire.

Notre discussion sur la terrasse du chalet MBDA pendant le Salon aéronautique du Bourget est interrompue par la démonstration en vol de l’avion de chasse français, le Rafale. Aussitôt Morena se lève pour aller le voir et le prendre en photo. Elle revient s’asseoir, tout sourire, en s’excusant. « Désolée, je ne peux pas m’en empêcher ! »

Ce n’est pas surprenant de la part d’une femme qui, déjà toute petite, regardait « avec des larmes dans les yeux » les décollages de la fusée Ariane à la télévision.

Par chance, Morena aime les mathématiques et c’est donc naturellement qu’elle s’engage un peu plus tard dans des études d’ingénierie aérospatiale à l’Université La Sapienza à Rome. Elle y étudie l’astronautique. Elle explique que cela consiste à étudier la mécanique des corps célestes. Me voilà renseignée ! Morena regrette cependant qu’au premier examen d’école d’ingénieur « on perd la plupart des femmes, qui se disent qu’elles ne sont peut-être pas au niveau… elles ne se font pas suffisamment confiance et se laissent convaincre par les préjugés… mais c’est en nous-mêmes que nous devons croire ! »  Le cursus est difficile pour tout le monde, et, finalement, sur les 300 étudiants présents au début de son cursus, seuls sept le finiront, dont elle.

Morena fait sa thèse de fin d’études au sein de l’Armée de l’Air italienne, se consacrant à l’étude d’un mini-lanceur spatial tiré depuis un avion de chasse. Puis, elle se prépare à partir pour la Californie, où elle envisage de faire un doctorat au sein de la Caltech et, par la même occasion, rejoindre son futur mari, Paolo, qui travaille alors pour la NASA (il découvre la présence d’un océan d'hydrocarbures sous la surface de Titan !). Mais elle se ravise. « J’ai eu un entretien avec Astrium Space Transportation pour un poste d’ingénieur analyste de mission et ça me faisait plus envie ! » Sauf qu’Astrium Space Transportation est basé en France… et Morena ne parle pas un mot de français à cette époque. Cela ne la décourage pas pour autant ! Elle apprend la langue « en regardant BFM télé » rit-elle. Difficile à imaginer lorsqu’on l’écoute parler un français parfait, avec, pour seul indice, un léger accent chantant et des mains qui virevoltent. Elle hausse les épaules, comme si tout le monde pouvait le faire.

Morena aime s’exprimer, surtout pour partager ses connaissances. Elle explique en des termes simples les enjeux fondamentaux de l’espace. Même si on ne parle pas bien l’italien, il faut l’écouter donner un TEDx talk où elle s’exprime pendant un quart d’heure sans une seule fausse note !

Suite à une réorganisation du groupe Airbus en 2014, Astrium se retrouve absorbé dans la division Airbus Defence and Space. Morena devient alors Responsable des relations avec les agences spatiales et les ministères chargés de l’Espace au sein des différents pays membres de l’ESA (European Space Agency). Elle occupera un poste similaire chez Airbus Safran Launchers, avant de rejoindre Thales Alenia Space en 2018. Elle reviendra chez ArianeGroup comme directrice de la Stratégie, poste qu’elle occupe jusqu’en janvier 2023 quand elle est nommée Secrétaire Générale de MBDA. Elle n’a que 40 ans.

« Le rôle de Secrétaire Général varie d’une personne à l’autre, d’une organisation à une autre. Chaque Secrétaire Général décide de ce qu’il veut faire de ce poste. Pour moi l’écoute et l’humanité sont des valeurs fondamentales et je pense que l’exemple demeure le moyen le plus efficace pour affirmer un leadership. Être Secrétaire General c’est devenir l’alter-ego du PDG. C’est le soutenir, se confronter avec lui, être là quand lui ne peut pas. C’est aussi être la cheville ouvrière du comité exécutif, mais aussi incarner les valeurs de l’entreprise, notamment celles de la passion et de l’innovation technologique au service des forces armées » explique-t-elle.

« J’y vais un peu fort », admet-elle, « mais on n’envoie pas un missile si on n’est pas prêt à en recevoir. Je n’ai peur de rien à vrai dire et je réagis en pensant à ceux qui n’osent pas le faire. »

Morena trouve contreproductif le fait de promouvoir les femmes simplement à cause de leur genre. Pour elle, un poste doit avant tout revenir à la personne qui est la plus apte à le tenir. Mais elle conseille aux femmes de « ne jamais penser - a priori - que les autres sont meilleurs que vous ».

Surtout, cette jeune maman de deux enfants, recommande aux jeunes femmes de « bien choisir la personne à vos côtés. Il faut que ce soit quelqu’un qui vous tire vers le haut. » Ce qui est apparemment son cas !