Dr Camille Baysse
Camille Baysse (prononcer Baïs) est une autre jeune femme qui fait un métier dont elle ignorait l'existence lorsqu'elle était au lycée ... et pour cause. Ce métier n'existait pas en 2003 ! Elle est experte en mégadonnées (data scientist) chez Thales, développant des systèmes qui aident les militaires à anticiper la maintenance et les réparations sur leurs équipements avant que ces derniers ne tombent en panne.
Thales est un groupe d'électronique spécialisé dans l'aérospatiale, la défense, la sécurité et le transport terrestre.
Au lycée elle se voyait sage-femme. Mais ayant raté le concours pour entrer à la faculté de médecine, elle dut se replier sur un plan B : faire des maths pour devenir enseignante. Mais, en cinquième année, pendant son master en mathématiques, « j'ai entendu parler de l'intérêt qu'avait les entreprises pour le développement de modèles mathématiques qui prédisent des situations : ce qu'on appelle le calcul des probabilités ».
Elle décida alors de poursuivre ses études jusqu'au doctorat et découvrit que Thales proposait un programme qui permet aux doctorants d'être salariés si leur thèse porte sur un sujet qui intéresse le groupe. « Peu importe si la thèse n'apporte pas de réponse à la question posée », m'a-t-elle expliqué devant un café, « parce que l'enjeu essentiel réside dans la recherche elle-même ». Parce que l'application de statistiques prédictives l'intéressait, elle s'est penchée sur le thème proposé par Thales visant à développer la maintenance prédictive de leurs caméras thermiques (celles qui permettent aux militaires de voir dans le noir, également appelées caméras de vision nocturne. Elles détectent la chaleur, d'un corps humain par exemple, et la montre scintillant verte dans le noir !)
Camille a soutenu avec succès sa thèse « Analyse et optimisation de la fiabilité d'un outil opto-électronique équipé de HUMS*» le 7 novembre 2013. Si vous souhaitez en savoir plus, vous pouvez lire un résumé de sa thèse ici.
Je lui demande comment les mathématiques sont utilisées pour cette maintenance prédictive. Camille me réponds que «certains des produits militaires fabriqués par Thales sont équipés de capteurs qui prennent toutes sortes de mesures et suivent les petits détails qui alertent qu'un problème est en train de se produire. Et nous devons être en mesure de filtrer tous les 'bruits', ces informations inutiles et facteurs externes, tels que la météo, qui peuvent indiquer qu'une caméra thermique ne fonctionne pas correctement simplement parce qu'il fait 40°C et qu'il lui faut plus de temps pour se refroidir dans cette chaleur que quand il fait -5 °C. »
Camille explique que son travail, en tant qu’experte en mégadonnées, « consiste à apporter des informations qui soient accessibles aux gens qui utilisent le matériel ». Et, ajoute-t-elle, « dans le secteur de la défense, il ne faut pas se rater. Les résultats pourraient être désastreux ».
Alors qu’elle travaillait sur sa thèse à l’Université de Bordeaux, elle n’était obligée de se rendre au siège de Thales à Paris qu’une fois tous les trois mois environ. « J'avais travaillé six mois avec mes collègues au bureau avant de commencer ma thèse, donc même si je ne les voyais pas très souvent, j'avais quand même l'impression d'être dans l'équipe », raconte-t-elle. Et juste pour rester en contact avec sa matière préférée « j'ai aussi donné des cours de mathématiques à l'université», dit-elle en riant.
Aujourd'hui, le couple qu'elle forme avec son mari, qui travaille aussi pour Thales « même si ce n'est pas là que nous nous sommes rencontrés », a deux enfants de 30 et 12 mois. « Heureusement, l'entreprise est très flexible et si nécessaire, nous pouvons faire du télétravail et nous pouvons utiliser la crèche près du bureau. »
Elle regrette que trop peu de lycées expliquent à leurs élèves douées en mathématiques qu'il existe d'autres carrières pour elles que de devenir enseignantes. « Il y a tellement de métiers qui ont besoin de bons mathématiciens », s'exclame-t-elle, « alors accrochez-vous et quelque chose qui vous plaît surgira », conseille-t-elle à celles qui ont un penchant pour les nombres.
* Health & Usage Monitoring System