IGA Monique Legrand-Larroche
Monique Legrand-Larroche est une femme de petite taille dont les yeux bleus aimables et les cheveux très longs, habituellement portés en queue de cheval, cachent une détermination de fer qui l'a amenée à devenir la première femme général 4 étoiles de France... et titulaire d'une licence de pilote privé d'hélicoptère (bien qu'elle ne vole plus).
Armée de son baccalauréat S, elle a réussi à franchir tous les obstacles pour intégrer la très compétitive Ecole Polytechnique (voir glossaire). « C'était une tradition familiale d'aller dans cette école mais j'étais la première fille !», me dit-elle avec un grand sourire, assise dans son grand bureau fonctionnel au ministère des Forces armées.
Elle était l'une des 30 femmes élèves de l'école, soit 10% de la classe. « Ce qui me surprend, cependant, c'est que lorsque mes fils sont allés dans des écoles d'ingénieurs, le nombre de filles dans leurs classes n'était encore que d'environ 10% et pourtant il y a autant de filles que de garçons qui réussissent le bac S. » La faute, pense-t-elle, en incombe en grande partie aux parents qui encouragent plutôt leurs filles à fréquenter des écoles de commerce. « Mais la France a vraiment besoin d'ingénieurs », s'exclame-t-elle. « Les filles ne doivent pas s'autocensurer parce qu'il n'y a absolument aucune raison pour qu'elles ne réussissent pas aussi bien comme ingénieur qu'un garçon. »
Elle a toujours été passionnée par les hélicoptères. Alors pourquoi n'a-t-elle pas rejoint l'armée pour devenir pilote d'hélicoptère ? Parce qu'une remarque faite par un officier au sujet des femmes, des carrières et des enfants, dont elle semble encore surprise, lui a fait comprendre que ce n'était peut-être pas l'endroit qui lui convenait le mieux.
Elle a eu quatre garçons dont les photos sont collées sur les portes des placards dans son bureau. Mais cette maternité n'a pas entravée sa carrière à la DGA (voir glossaire), son autre option pour assouvir sa passion pour les hélicoptères.
Son premier poste fut au DRET, l'agence de l'innovation de l'époque mais qui n'existe plus. « Cela m'a permis de faire faire des recherches sur l'aérodynamique des hélicoptères et des avions », explique-t-elle. Mais alors qu'elle gravissait les échelons dans la hiérarchie, les remarques désagréables ont commencées. « Certains de mes collègues masculins me reprochaient de ne pas rester plus tard le soir alors que je devais quitter le bureau plus tôt pour prendre soin de mes jeunes enfants. » Plus tôt étant 18h30 ou 19h00 ! « Il ne faut jamais laisser passer ce genre de remarque », observe-t-elle, ajoutant qu'elle répondait du tac-au-tac que lorsqu'elle était au bureau, elle était « efficace tout le temps, ne bavardant pasdans le couloirs ! » Et d'ajouter qu'aujourd'hui, elle se trouve « très heureuse » de constater que ses jeunes collègues masculins partent tôt pour aller chercher leurs enfants à la sortie de l'école. « Le monde change », sourit-elle.
Sa quatrième étoile lui a value des commentaires désagréables suggérant que sa promotion n'était due qu'à une discrimination positive. Mais elle réfute catégoriquement ces accusations. « Il n'y a aujourd'hui pas de femmes aux postes de direction que j'ai eus », souligne-t-elle, ajoutant que « dans n'importe quel secteur de travail, les femmes doivent plus faire leurs preuves que les hommes. Il ne suffit pas d'être bon dans son travail, il faut toujours prouver qu'on le fait mieux qu'un homme et on nous pardonne rien. »
Même aujourd'hui, me confie-t-elle, elle doit confronter des situations telles qu'une réunion qui débute avec un « bonjour, messieurs » auquel elle répond « si cette réunion ne m'implique pas, je la quitte ! » Mais les réunions la concernent en général. En avril, elle est devenue la première directrice de la nouvelle Direction de la maintenance des aéronefs des forces armées (DMAé). A ce titre, elle n'est plus à la DGA mais au quartier général des Forces armées françaises, chargée de veiller à ce que les avions et les hélicoptères soient disponibles quand les forces armées en ont besoin.
Monique Legrand-Larroche a épousé un camarade Polytechnicien, qui travaille dans le secteur privé. Je me demandais comment ils avaient réussi à développer chacun leur carrière professionnelle. « Nous avons décidé de rester à Paris », explique-t-elle, « et je n'ai jamais envisagé le célibat géographique. » Elle concède que cette décision a peut-être été un frein à leurs carrières, même si dans son cas on se demande comment ! « Il faut avoir un conjoint qui joue le jeu et être bien organisés. Par exemple, nous nous débrouillons toujours pour ne pas avoir des déplacements en même temps. »
C'est elle qui emmenait les enfants à l'école le matin et son mari qui allait les chercher le soir. Ils avaient aussi une nounou à plein temps « et ma mère nous a beaucoup aidé aussi ».
Monique tient a rendre hommage à trois anciens directeurs de la DGA: Yves Gleizes « qui m'a proposé le poste de directeur de programme d'hélicoptère », François Lureau et Laurent Collet-Billon. « Je pense que sans eux, je n'aurais pas eu les postes que j'ai eus ».
Son secret pour trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle ? « Être à 100% au travail quand je suis au travail, être à 100% avec ma famille quand je suis à la maison, et toujours prendre mes congés ! »