Sofía Honrubia Checa
Sofía est une ingénieure navale espagnole qui a gravi les échelons de la cinquième plus grande entreprise navale d'Europe, Navantia, pour en devenir la vice-présidente du développement industriel et commercial et l'une des trois femmes qui siègent au Conseil d'administration.
Elle était bonne en physique à l'école, « j'aimais la technologie et je m'intéressais de façon spontanée aux bateaux », donc bien que dans sa famille « absolument personne » n’était liée à la marine ou la construction navale, elle décida d'étudier l'ingénierie navale à l'Université polytechnique de Madrid. « Nous étions à peu près cinq filles dans une classe d'environ 60 ! » rit-elle.
Diplômée en 1992, elle débuta sa carrière en juillet 1994 au chantier naval public espagnol Empresa Nacional Bazán en tant qu'ingénieur au sein du département propulsion et services. En juillet 2000, Bazán fusionna avec Astilleros Españoles pour former IZAR qui, en mars 2005, devint Navantia.
Après un passage de près de 3 ans comme ingénieure commerciale de fast ferries, elle est devenue responsable du département des structures où elle a notamment travaillé sur une grande variété de projets en tant que spécialiste en analyse structurale avancée, usure et vulnérabilité.
Elle a oeuvré sur le premier et unique porte-avions thaïlandais, le HTMS Chakri Naruebet, navire amiral de la Royal Thai Navy, et 10e plus grand porte-avions du monde. Elle a travaillé sur les cinq frégates de classe F-310 Fridtjof Nansen qui sont les principaux navires de combat de surface de la Marine royale norvégienne ainsi que sur les quatre navires de patrouille offshore de la classe Avanto 1400 Guaicamacuto pour la marine vénézuélienne, dont trois ont été construits en Espagne et mis en service en 2010 et 2011. Le quatrième, le ‘commandant Eterno Hugo Chavéz’ (à l'origine nommé Tamanaco), a été construit au Venezuela ; il est « presque prêt » à être livré dans quelques jours.
Sofía a notamment aussi travaillé sur le sous-marin S-80 et les frégates furtives F 100 Álvaro de Bazán pour la marine espagnole. « C'était un formidable travail d'équipe », me dit-elle, perchée sur un tabouret sur le stand Navantia du salon Euronaval qui a ouvert ses portes aujourd'hui à Paris. « Et je n'ai jamais subis de discrimination », ajoute-t-elle. « Au contraire, j'ai pris mon congé maternité de quatre mois pour chacun de mes trois enfants et à deux reprises, à mon retour j'ai obtenu une promotion. »
Elle décide néanmoins de se lancer dans le privé et travaille de 2008 à 2012 pour Altran, leader mondial des services d'ingénierie et de R&D, dans la division naval évidemment !
Mais en février 2013, elle a été séduite par le poste de directeur du développement commercial des navires militaires que Navantia lui proposait. « Parce que cela implique des exportations, je voyage beaucoup, notamment au Moyen-Orient. » Je lui demande si elle a déjà eu l'impression de ne pas avoir été traitée sérieusement dans ce travail parce qu'elle est une femme. « Non », dit-elle immédiatement. « Dans les pays où les femmes n'ont pas la même considération qu'en Occident, c'est en fait le poste, le travail, qui est respecté, donc qu'il soit occupé par un homme ou une femme n'y change rien. Au contraire, je pense que parfois les gens se sont pliés en quatre pour que je me sente à l'aise. »
Mais elle trouve compliqué le fait de s'éloigner aussi souvent de ses enfants. « Il est vraiment difficile de quitter mon petit garçon et mes deux petites filles ; mais même si mon mari a un travail exigeant en tant que directeur d'une entreprise aéronautique, il ne voyage pas alors c'est lui qui assume la plus grosse part de responsabilité pour élever les enfants et s'occuper des tâches ménagères. » Le couple ne peut pas vraiment compter sur l'aide des grands-parents « parce qu'ils ne vivent pas à Madrid », mais il emploie une femme de ménage « qui s'occupe aussi des enfants ».
Sofía note que « curieusement, aujourd'hui, je reçois plus de questions qu'auparavant sur ma situation professionnelle. D'une manière ou d'une autre, avant ce récent mouvement de femmes, c'était plus naturel, les gens pensaient que j'occupais mon poste parce que j'étais compétente. Aujourd'hui, les gens se demandent si ma promotion n'est due qu'à une discrimination positive plutôt que parce que je suis la bonne personne pour le poste. »