Déborah Corrette
Déborah est choyée comme une athlète de haut niveau par son employeur, Naval Group. Car c’est une médaillée d’or. Non pas gagnée lors des JO d’hiver à Beijing mais à l’issue de trois journées de compétition des Olympiades des Métiers France dans la spécialité « soudure ». Néanmoins, tout comme les pratiquants de sports d’hiver, elle aussi ira en Chine pour participer aux finales mondiales des Olympiades des Métiers à Shanghai du 12 au 17 octobre prochains.
Car la jeune Déborah – elle vient de fêter ses 23 ans -- est soudeuse depuis quatre ans sur les coques de sous-marin construites par Naval Group à Cherbourg. « En fait je voulais m’engager dans la Marine Nationale mais quand j’ai expliqué que je voulais faire de la soudure, le bureau de recrutement m’a envoyé chez Naval Group car les marins ne font pas de soudure eux-mêmes. Donc là je suis heureuse car je fais ce que j’aime et j’aide à construire des bateaux utilisés par la Marine Nationale ! »
Elle ajoute estimer « que mon goût pour le travail manuel vient de mon beau-père qui bricolait beaucoup dans notre garage. De temps en temps je venais l’aider et j’aimais beaucoup ça », me confie-t-elle lors de notre conversation par visioconférence.
Élève au Lycée Edmond Doucet à Cherbourg, elle opte pour un bac pro puis se spécialise en chaudronnerie en alternance avec des stages chez Naval Group. Elle passe donc une partie de son temps au lycée et une autre à apprendre auprès de soudeurs expérimentés du groupe. C’est au lycée qu’elle entend parler pour la première fois des Olympiades des Métiers par des élèves qui se préparent pour cette compétition.
« Nous n’étions que deux filles dans ma classe de 24 mais ça se passait plutôt bien », sourit-elle, même si beaucoup de ses camarades avaient grandis « dans le milieu », ce qui n’était pas son cas.
Pour se préparer pour la grande finale mondiale à Shanghai, où elle sera en compétition contre 40 autres jeunes, chacun médaillé d’or en soudure dans son propre pays, elle s’entraîne deux semaines par mois. « Je m’entraîne beaucoup sur les anciens sujets qui sont tombés pour les quatre modules de la compétition », explique-t-elle.
Le premier module consiste à souder des pièces entre elles, soudures qui seront contrôlées par les examinateurs en les auscultant au moyen d’une radio. Le deuxième est « celui qui rapporte le plus de points et demande 10 heures de travail car il faut fabriquer un caisson d’acier en utilisant des techniques de soudageimposées par le jury. » Ce dernier contrôle l’étanchéité des soudures en versant de l’eau dans le caisson. Pour les deux autres modules il faudra qu’elle fabrique une pièce en aluminium et une autre en inox. La compétition se déroule en une seule fois, sans d’éliminatoires.
Au moins deux professionnels l’accompagneront en Chine ainsi que 40 kg de matériel. « Tout sera en double : mes protections ainsi que ma boîte à outils ».
Pendant ces deux semaines d’entraînement, Déborah passe une semaine au Centre de Formation interne de Naval Group et une au Lycée Doucet. Les jours restants du mois « je fais un travail normal », explique-t-elle.
Ce « travail normal » consiste à oeuvrer dans une des six équipes de soudage, chacune constituée de 15 soudeurs. « Je travaille soit le matin de 5h30 à 13h, soit l’après-midi de 13h à 20h mais je ne travaille pas la nuit pour le moment, même si d’autres le font. »
Les week-ends elle s’adonne à une préparation physique et psychologique. « Je nage et je marche et puis je fais de la méditation, du yoga et de la visualisation », exactement comme les champions sportifs. Mais elle fait attention aussi à garder du temps juste pour elle les week-ends. « Il est important d’avoir aussi une vie personnelle » souligne-t-elle.
Pour la compétition française gagnée en janvier, Déborah était en compétition contre 11 autres soudeurs, dont une fille. D’ailleurs l’autre jeune femme – qui travaille chez Alstom – a gagné la médaille de bronze ! « Il y a eu beaucoup de larmes de joie à la remise des médailles, surtout de la part de ma famille », sourit-elle.
Évidemment il n’y a pas que les soudeurs lors de ces Olympiades des Métiers. « J’ai trouvé passionnant de voir de plus près le travail des boulangers, des chocolatiers, et de tous les autres, mais ceux qui m’ont le plus surprise c’étaient les tailleurs de pierre ! »
Déborah se voit formatrice d’ici dix ans. « J’aimerais transmettre tout ce qu’on m’a appris. Il faut savoir que dans ce métier il y a beaucoup de formation. On ne travaille jamais seule, toujours en équipe. Il faut être minutieux, savoir s’adapter et avoir de la passion pour ce qu’on fait », dit-elle. Elle rajoute que ce ne sont pas les contraintes physiques : la chaleur et le fait de porter de lourds vêtements de protection « car on s’habitue vite et après on n’y fait plus attention » qui sont les plus durs, mais la pression mentale « car on doit travailler au plus près et ne faire aucune erreur. La vie de nos marins en dépend ».