Maréchal-des-logis Delphine
Je me suis toujours demandée pourquoi le béret porté dans les régiments de montagne était beaucoup plus large que ceux portés dans d'autres régiments. « C'est pour pouvoir le bourrer de paille et ensuite y mettre les pieds au chaud », raconte Delphine en riant.
Originaire de Grenoble, au pied des Alpes, Delphine a tout naturellement été attirée par un régiment de montagne, même si ce n'est pas son régiment d'origine. Elle a obtenu son brevet d'alpinisme mais pas encore celui de ski, bien qu'elle soit une estimable skieuse de loisir. « C'est la partie que je préfère : être payée pour faire du sport », me dit cette jeune femme sérieuse, écartant l'idée que marcher dans la neige tout en portant ses skis et 30 kg sur le dos est difficile. « Nous sommes entraînés progressivement à porter des charges de plus en plus lourdes et que vous soyez homme ou femme, c'est pareil. Nous sommes vraiment tous ensemble et tout le monde doit faire ses preuves. » Mais elle admet que mesurer 1m77 « c'est une facilité pour moi ».
Delphine est maréchal-des-logis dans le 93e régiment d'artillerie de montagne où elle est sur le point de terminer sa formation en tant que JTAC (Joint Terminal Attack Controller – en français dans le texte !) ce qui veut dire contrôleur interarmées d'attaque.
Sa tâche consiste à se placer en position avancée sur un théâtre d'opérations pour diriger l'action des avions de combat qui soutiennent les troupes au sol ou sont engagés dans d'autres opérations aériennes offensives. « C'est un travail extrêmement exigeant qui nécessite un engagement total », avoue-t-elle. Une fois sa formation terminée en avril 2021, elle deviendra l'une des deux femmes JTAC de son régiment et rejoindra l'élite d'une soixantaine de JTAC de l'armée française.
« Nous sommes très déficitaire en JTAC », reconnait-elle lors de notre conversation WhatsApp « car il n'y a pas beaucoup de candidats ». Les raisons, dit-elle, sont le très haut niveau d'anglais exigé et le fait que « c'est un des stages les plus difficiles et les plus longs de l'armée ». Elle a perfectionné son anglais scolaire grâce à des voyages personnels, mais elle suit actuellement des cours particuliers pour confirmer ses compétences. Elle doit obtenir une moyenne de 80% dans toutes les matières telles que la topographie et la terminologie.
Nombre de femmes dont le portrait paraît sur ce site doivent beaucoup à un prof en particulier. Il en va de même pour Delphine... en négatif. « À 15 ans, je suis passée de vouloir devenir vétérinaire à soldat. J'ai eu un baccalauréat scientifique mais un prof m'a dit que je n'avais pas les compétences pour faire une prépa maths pour le concours d'entrée à St Cyr [grande école de formation des officiers de l'armée de terre], et m'a poussée à faire une prépa littéraire, alors ça n'a pas marché », déclare-t-elle simplement.
Elle a donc intégré l'école de formation des sous-officiers de Saint Maixent. Mais, souligne-t-elle, « je ne regrette pas du tout car on peut rester plus longtemps dans sa spécialité quand on est sous-officier qu'un officier qui ne restera dans la sienne que quatre ou cinq ans. »
Delphine ne sait pas vraiment ce qui l'a attirée vers une carrière militaire. Elle est fille unique de parents médecins et personne dans la famille n'était engagé dans l'armée, même si elle a découvert tout récemment que sa mère rêvait d'être pilote de combat ! « Mais j'ai toujours été passionnée par l'armée, cela correspond à ma personnalité, il semblait y avoir une grande variété d'emplois disponibles, je pouvais voyager et je serais au service de la France, ce qui était important pour moi. » Pour s'en assurer, elle suit à 16 ans un stage d'une semaine de 'découverte de l'armée' et elle adore.
Lorsqu'un jeune entre dans un bureau de recrutement de l'armée, un long processus commence pour déterminer laquelle des quelques 350 spécialités disponibles deviendra la sienne. « Il y en a vraiment pour tous les goûts », remarque Delphine. Les tests de sélection l'aiguillent davantage et au terme des huit mois passés à Saint Maixent le jeune sous-officier a acquis une spécialité. Pour Delphine, c'est observateur d'artillerie, ce qui signifie qu'elle sert d'yeux aux artilleurs en envoyant des emplacements cibles et les corrigeant si nécessaire. Elle détient l'autorité de commandement et peut ordonner le feu, y compris le type et la quantité de munitions à tirer. Il était donc naturel dans la continuité de passer au JTAC, pour agrémenter sa spécialité d’observateur artillerie.
Elle a 20 ans lorsqu'elle signe un contrat d'engagement de cinq ans. C'était il y a 10 ans. Elle rempile en signant un contrat de six ans, mais, maintenant, ayant passé le brevet supérieur de technicien de l'armée de terre, condition préalable pour devenir sous-officier de carrière, Delphine a décidé de rester dans l'armée et espère passer le concours pour devenir officier dans les prochaines années.
Son mari est également militaire, mais dans un autre régiment « ce qui facilite les choses parce que nous comprenons en quoi consiste le travail de chacun. Mais il n'y a pas d'armée à la maison, sauf dans la buanderie ! » rit-elle. Delphine est reconnaissante du soutien constant de ses parents quoiqu'elle soit consciente de l'inquiétude de sa mère « même si elle ne me le dira jamais ». Il y a des moments, dit-elle, « quand, comme tout le monde, on est assailli de doutes alors il est important d'avoir du soutien pour vous dire que vous avez fait le bon choix ».
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