Dr Céline Coma Brebel
Céline n’est pas docteur en médecine mais en informatique. Enthousiaste, pédagogue et volubile elle ne ressemble pas du tout à Lisbeth Salander, la hackeuse de la trilogie Millénium de l’écrivain suédois Stieg Larsson, et ne porte pas de sweat à capuche non plus ! « Au contraire je porte tous les jours des robes et des colliers et je suis très à cheval, comme mes collègues féminines, sur le fait de garder notre féminité », rit cette femme à la voix juvénile qui est aujourd’hui architecte cybersecurité chez Airbus CyberSecurity, une entité de Airbus Defense & Space.
Suite à un bac S en 1998, Céline décide d’éviter les prépas pour écoles d’ingénieurs. « On a jamais su m’expliquer ce que font des ingénieurs. On me disait seulement : ‘un ingénieur gagne bien sa vie’ mais je n’arrivais pas à me projeter dans cet univers inconnu. Tandis qu’enseignante je voyais ce que c’était, alors je me suis orientée dans cette direction. » Et puis elle rajoute en rigolant « néanmoins, je suis aujourd’hui ingénieure ! »
Alors, justement, que fait elle derrière son bureau ? « Et bien en fait, je ne suis pas souvent derrière mon bureau ! Mon métier c’est architecte, c’est-à-dire que je dois découvrir quels sont les besoins du client et puis je lui propose des solutions. » Elle compare la cybersécurité à un château-fort. « On adapte petit à petit le château fort car les murailles doivent pouvoir s’adapter pour bien protéger le donjon au centre », le donjon étant les données que l’on doit défendre.
Céline encadre aussi une thèse en ce moment et elle aime bien également s’occuper des stagiaires de 3ème (collège). « Ces stages créent des ponts et nous permettent de montrer concrètement ce que c’est que la cybersécurité. Ce qui est drôle c’est que ce sont toujours les garçons qui débutent les questions mais quand j’aborde les relations que j’ai avec les clients alors là ça intéresse les filles. »
Suite à une licence en informatique à l’Université Claude Bernard Lyon 1, Céline fait un Master à l’Université de Rennes, puis poursuit avec un doctorat à Télécom Bretagne (aujourd’hui IMT Atlantique suite à la fusion avec l’École nationale supérieure des mines de Nantes). « Dans le cadre de ce doctorat j’ai suivis en 2006 un stage en sécurité informatique. A l’époque la sécurité était vue comme une contrainte, superflue », raconte-t-elle. « Des personnes m’ont même dit : ‘tu n’as pas d’avenir’ ! »
Elle soutient sa thèse « Interopérabilité et cohérence de politiques de sécurité pour les réseaux auto-organisants » en 2009 avec l’intention de poursuivre un cursus universitaire ce qui aurait impliqué de nombreux déplacements et des conférences à travers le monde. « Mais je suis tombé enceinte, de façon tout à fait naturelle, alors qu’on m’avait dit que je ne pouvais pas avoir d’enfant », dit-elle « alors je voulais me poser pour profiter pleinement de ma fille. » A sa grande surprise elle est embauchée, enceinte, par la DGA (voir glossaire). « Je n’oublierai jamais la personne qui m’a dit qu’étant enceinte je travaillais déjà pour la patrie ! »
Cette expérience lui permet de comprendre le côté opérationnel. « On apprend à la vitesse grand V parce qu’il n’y a pas beaucoup de ressources [humaines en sécurité informatique] et on sollicite notre expertise sur différents projets », explique-t-elle.
Céline travaille huit ans au Ministère des Armées notamment à la DGA et reste « très attachée à cette culture défense ». Pour elle « la défense c’est protéger mes enfants et la nation », mais elle apprécie aussi « d’être au contact des hauts gradés qui prennent le temps et sont très respectueux, des qualités que l’on retrouve dans les industries de la défense et qu’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs, me disent mes collègues qui travaillent dans d’autres domaines. »
Airbus CyberSecurity la recrute en juin 2018. Son mari fait le même métier qu’elle, au sein de la même entreprise « mais nous ne travaillons pas sur les même sujets et évitons de travailler ensemble », explique-t-elle. Leurs enfants, car ils ont aussi eu un fils, sont très fiers de leur maman. Les copines de collège de sa fille (et leurs parents) lui posent plein de questions « surtout concernant les réseaux sociaux », un sujet qui intéresse beaucoup les femmes « tandis que lors d’un dîner les hommes me posent des questions plus techniques. Les femmes s’arrêtent souvent à la barrière de l’ordinateur », regrette-t-elle.
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, « les profils des experts informatiques sont vraiment divers. Même si moi j’étais plutôt forte en maths, il ne faut pas oublier que dans la cyber il y a une très grande diversité des métiers. On voit tout le temps le hacker derrière son écran mais nous, notre but c’est de protéger les données et pour ce faire il faut comprendre comment l’utilisateur s’en sert et faire en sorte que nos systèmes de protection lui créent le moins de contraintes dans son utilisation quotidienne. »