Sergent Mélanie
Mélanie tire des missiles. Enfin, pas souvent. Car depuis 2002, quand elle s’est engagée, les opérations militaires françaises n’ont pas fait l’objet d’attaques par des menaces aériennes ennemies. Je l’ai rencontrée sur la base aérienne désaffectée de Brétigny, en région parisienne, lorsqu’elle s’entraînait pour le défilé du 14 juillet avec son escadron de défense sol-air (EDSA), qui a pour mission d’assurer la protection des installations prioritaires de défense, des points d’importances vitales et d’appuyer les forces terrestres dans leurs manœuvres. Et qui est chargé, depuis peu, de la lutte anti-drones aériens. Ravie de ce premier entretien en « live » plutôt que la visio qui est de mise depuis le début de la crise sanitaire, j’ai recueilli son témoignage sous une tente militaire, à l’abri de la pluie.
Elle m’explique que c’est le commandant Hervé Moreau, commandant de l’Escadron de Défense sol-air 02.950 « Sancerre » implanté sur la base aérienne 702 « Georges Madon » à Avord, qui lui a demandé si elle voulait bien être la conductrice du P4 le transportant, ainsi que le porte-fanion, qui défilait ce 14 juillet dernier à Paris à la tête des neuf véhicules de l’escadron. Ce fût une tâche plus compliquée que ce que l’on pourrait imaginer. Mélanie a non seulement dû s’entraîner à défiler à 15 km/h mais elle a aussi aidé au choix de son véhicule défilant, en veillant à sa configuration et à son état.
Parmi ces véhicules, deux supportaient des systèmes d’armes sol-air à courte portée Crotale NG et leurs missiles en maquettes et les quatre autres des missiles des systèmes SAMP (sol air moyenne portée) MAMBA. Ces deux types de missiles sont tirés depuis des rampes montées sur camions rendant ce moyen de défense très mobile et facilement déployable vers des sites qui doivent être protégés.
Petite, Mélanie voulait être pompier, comme son grand-père. « Mais j’ai loupé le concours pour être pompier professionnel et c’est un garçon de mon club de basket qui m’a suggéré d’emprunter la voie militaire », raconte-t-elle.
Originaire de Montluçon, c’est lors d’une visite à la base aérienne 702 à Avord, à une centaine de kilomètres au nord, qu’elle découvre les canons des artilleurs sol-air. « J’étais fascinée, curieuse. Je me demandais comment ils fonctionnaient. » Et puis, habituée au sport d’équipe grâce au basket, « le travail en équipe, les règles, les codes m’intriguaient » au point qu’elle passe les examens et les tests pour entrer dans l’armée de l’air (qui n’était pas à l’époque encore celle de l’espace) avant même « de passer mon bac pro... comptabilité », rit-elle.
Admettant volontiers avoir été « garçon manqué » et de nature très sportive, de surcroît très bien entraînée pour les besoins de son équipe de basket, les épreuves sportives d’admission dans l’armée de l’air ne lui posent aucun problème. Pas plus que l’adaptation à la vie militaire. « Je me suis adaptée très vite et j’ai vite compris où était ma place », dit-elle. Suite à la formation de base à Saintes, « j’ai poursuivi ma formation pour la spécialité à Mont-de-Marsan avec trois garçons. Nous formions un vrai groupe », raconte-t-elle.
Médaillée d’argent au championnat de France militaire de basket, Mélanie compense sa taille moyenne par son dynamisme et sa volonté. Elle confirme qu’elle n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, et surtout pas par ses camarades masculins. « Même s’il y a eu un peu de jalousie de la part des garçons quand je réussissais quelque chose qu’eux n’avait pas pu, je n’ai jamais eu de problèmes. Même si j’avais le même âge qu’eux, j’étais, comme la plupart des filles, plus mature, alors j’étais un peu la maman ! Et puis il faut savoir mettre le holà ... »
Mariée à un adjudant-chef rencontré huit mois après s’être engagée, Mélanie raconte, le sourire aux lèvres, « que nous avons caché notre relation pendant près d’un an, se serrant la main quand on se rencontrait le matin sur la base... même si on vivait ensemble !! » Aujourd’hui elle est maman de deux enfants de 12 et 9 ans. Est-ce que la maternité a changé son attitude vis-à-vis de son travail ? « Bien sûr ! C’est aux enfants qu’on pense toujours en premier. Ils sont totalement habitués au fait que l’un ou l’autre des parents peut être absent pendant de longues semaines et ça se passe très, très bien », assure-t-elle « surtout avec tous les moyens de communications que nous avons aujourd’hui. » Entre septembre 2019 et janvier 2020 Mélanie fut déployée avec l’EDSA à Niamey au Niger avec l’Opération Barkhane pour garantir la protection directe des forces stationnées ou en mouvement « et c’était un peu dur de ne pas être en famille pour ouvrir les cadeaux », admet-elle. « Alors il faut aimer ce qu’on fait. »
En 2016 Mélanie a utilisé la « passerelle tardive » qui permet au militaire du rang de devenir sous-officier. « Je voulais plus de responsabilité après avoir renouvelé trois fois mon contrat initial de quatre ans et maintenant je voudrais poursuivre et devenir sous-officier de carrière », assure-t-elle.
Elle pourra prendre sa retraite militaire à 47 ans, suffisamment jeune pour entreprendre une autre vie professionnelle. « Me connaissant, je pense que je ferai totalement autre chose », confie-t-elle.