Lieutenant Miléna
Le lieutenant Miléna a pris le commandement d’une section de combat du génie il y a tout juste six mois. Elle y est la seule femme « mais pour le moment je n’ai eu aucune difficulté avec ma section », dit-elle, expliquant que même si elle est jeune, elle a été formée pour être chef de section. Si ses hommes ne comprennent pas ses décisions, elle est ouverte au dialogue, mais il est clair que c’est elle qui commande ! « Il ne faut pas s’attendre à être acceptée par tous », remarque-t-elle, lucide.
Pourtant elle a failli remettre en question son parcours durant sa première année à l’École spéciale militaire de Saint-Cyr. « Quand je suis arrivée, une parmi la douzaine de filles dans la promotion de 145 jeunes en 2016, j’ai eu un peu de mal ». Elle éprouve ainsi quelques difficultés à trouver sa place d’emblée. Sceptique, Miléna se questionne alors sur la suite de sa carrière dans l’institution militaire.
Et puis à la fin de la première année il y a un stage en régiment qui, à l’époque, dure cinq semaines. Les régiments sont tirés au sort. « J’ai eu de la chance : j’ai tiré le 13e régiment du génie. Mon stage s’est extrêmement bien passé. En régiment j’ai trouvé une ambiance remarquable, une solidarité certaine entre les cadres, et cela m’a fait un bien fou. À la fin du stage je savais que j’allais faire carrière dans l’armée et, si possible, dans ce régiment. »
Le choix de régiment ne dépend pas de la volonté des élèves officiers, mais de leur classement à la fin des études. Alors le premier à le choix parmi tous les régiments qui proposent des places, tandis que le dernier doit prendre ce qui reste ! Il y a donc intérêt à travailler non seulement le côté « militaire » mais aussi « l’académique » pour être bien classée. Miléna, qui a passé un baccalauréat littéraire, a choisit la filière sciences sociales et politiques.
Cette jeune élève officier, prévoyante, voulait également assurer ses arrières « dans l’hypothèse d’un accident qui me ferait perdre l’aptitude au combat » et choisit donc de passer en parallèle un Master 1 en histoire de l’Université Bretagne Sud, ainsi qu’un Master 2 en recherche, histoire et anthropologie des sociétés médiévales et modernes de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Épargnée d’un quelconque accident, et pouvant choisir le régiment de son choix grâce à son classement à la fin des trois années d’études à Saint Cyr, elle passe sa quatrième année, celle de la spécialisation, à l’École du Génie où elle est formée aux responsabilités de chef de section dans une unité de combat du génie.
Miléna sait que, si elle le souhaite, elle pourra mener une carrière dans l’armée jusqu’en 2055, « le lendemain de mes 59 ans ». Ce prospect ne lui fait pas peur car « il y a une diversité d’emploi extraordinaire à l’armée ».
Mais pourquoi l’armée au fait ? C’est grâce au bon souvenir qu’elle gardait de sa Journée Défense et Citoyenneté, obligatoire pour tous jeunes français de plus de 18 ans, à laquelle sont venues se rajouter la découverte de Saint Cyr lors de sa deuxième année de classe préparatoire et la réalisation qu’elle ne voulait devenir ni chercheuse ni enseignante.
Sans rien dire à ses parents, elle rajouta l’École spéciale militaire de Saint-Cyr à sa liste d’écoles en prépa et ne leur annonça qu’une fois admise. Même si personne dans la famille n’était militaire, ses parents furent extrêmement fiers — et soulagés que leur fille n’aurait pas à chercher de travail à la fin de ses études !
Aujourd’hui, ce qui plaît beaucoup au jeune lieutenant c’est le côté humain de son travail. « Il faut une capacité d’écoute, une capacité d’empahtie. Il faut savoir trouver le meilleur intermédiaire quand un de mes hommes à des soucis familiaux ou financiers.»
Miléna n’a pas encore été déployée en opération « mais je suis plutôt enthousiaste de partir ». Pour l’instant la question ne se pose pas mais elle ne pense pas que cela sera difficile de trouver un équilibre entre une vie professionnelle et une vie personnelle.