Lieutenant de vaisseau Justine
Vous voyez que sous le nom de Justine il y a inscrit “Marine” ; interviewée il y a quelques années, on aurait lu la mention “Armée de l’Air”. Elle sourit en disant qu’effectivement « c’est très rare » de changer d'armée mais que, dans son cas particulier, le changement était logique.
Elle explique avoir migré quatre ans après qu’elle se soit engagée dans l’Armée de l’air. Ce n’est pas pour autant qu’elle ne s’intéresse plus aux objets volants !
Aujourd’hui elle est l’adjointe au chef de la Division Soutien Opérationnel de la base aéronautique navale (BAN) d’Hyères, à une vingtaine de kilomètres au sud de Cuers, où une antenne de l’Atelier Industriel de l’Aéronautique (AIA) de Cuers-Pierrefeu assure le maintien en condition opérationnelle des équipements (pales, ensembles tournants, cellules…) des hélicoptères Caïman Marine, Dauphin et Panther via cinq ateliers spécialisés où près de 70 personnels civils et militaires fournissent l’expertise de proximité aux flottilles de la base.
On pourrait dès lors s’imaginer que Justine a fait des études de mécanique ou d’électronique. Pas du tout !! Elle détient une licence d’espagnol et une licence de tourisme d’affaires et événementiel. C’est d’ailleurs dans ce dernier secteur qu’elle a travaillé pendant quatre ans avant de se tourner vers une carrière militaire. « Je faisais de la gestion budgétaire, du relationnel client, je négociais avec les fournisseurs et je devais garantir les coûts et les délais, » explique la jeune femme. « Alors finalement ce sont les mêmes compétences qui servent dans plein de secteurs différents. Ayant fait le tour de mon poste et avec l’envie de travailler dans la haute technicité – mais ça aurait pu être dans l’automobile – et de partir en voyage, j’ai été inspirée par mon conjoint marin et je me suis dit que l’armée pouvait m’offrir l’accès à la formation et à l’encadrement que je recherchais. »
Elle concède qu’elle ne possédait « pas du tout le profil à la base, par rapport à mon bagage, à mon cursus ». Mais l’officier de recrutement qui la reçoit au CIRFA (Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées) à Nice identifie très vite un métier dans l’Armée de l’air, lui suggérant de passer les tests et les évaluations pour être engagée comme officier sous contrat.
Pour elle « l’univers civil ne pouvait pas m’offrir » les mêmes opportunités que le monde militaire. Passer du tourisme aux radômes de Mirage 2000 ne l’impressionnait pas plus que ça. « Il faut simplement avoir beaucoup de curiosité, beaucoup d’humilité ; on écoute, on observe », remarque-t-elle.
Elle s’engage donc dans un premier temps dans l’Armée de l’air, au sein de l’atelier industriel de l’aéronautique de Cuers-Pierrefeu et du Service industriel de l’aéronautique (SIAE) où elle gère un spectre très large de prestations de maintenance aéronautique au profit non seulement de son arme mais aussi pour la Marine et l’Armée de terre ainsi que pour des industriels privés. Sauf que ces postes à composante industrielle ne la satisfont pas complètement. Au contact des marins sur place, elle entrevoit une nouvelle orientation pour son parcours. « En changeant de poste tous les deux ans, on engrange énormément de compétences et je souhaitais évoluer […] D’un côté j’avais besoin de quelque chose de plus opérationnel, d’un autre mon conjoint naviguait dans la Marine », sourit-elle. « J’ai donc saisi la double opportunité de rapprocher l’un et l’autre ». Avec le soutien et l’accompagnement de sa hiérarchie, elle effectue sa migration vers la Marine.
« J’ai signé pour 10 ans, avec l’objectif de devenir officier de carrière.»
Ce qui lui plaît aujourd’hui c’est de « faire des choses hors normes », d’encadrer les hommes et les femmes qui lui sont confiés et de vivre des expériences qui ne sont pas données à tout le monde.
« L’aéronautique naval m’a ouvert de grandes perspectives », explique-t-elle. « Participer directement à la disponibilité opérationnelles des aéronefs qui mènent des missions de sauvetage, de lutte anti-sous-marine ou de lutte contre les narcotrafics, c’est ce qui m’anime au quotidien. »
Elle coordonne des détachements de spécialistes sur les bâtiments déployés à travers le monde, afin de réparer les hélicoptères à bord assurant ainsi la continuité de leur mission. Elle assure encore l’acheminement de matériel aéronautique ou d’hélicoptères en outre-mer, via des moyens de transport aérien comme l’A400M. Embarquée à bord d’un bâtiment de la Marine, elle est enfin le contact technico-logistique privilégié entre l’Armée de terre et la Marine lors de manœuvres interarmées d’envergure.
Elle se considère comme peu sportive ! Pourtant en insistant un peu on apprend qu’elle pratique la plongée sous-marine depuis l’âge de neuf ans, même si elle a grandi en région parisienne, et que, oui, elle fait aussi de l’équitation, de la natation et de la randonnée.
Justine est la première dans sa famille depuis son grand-père à s’engager dans cette voie militaire. « Ma famille est ravie, elle me voit équilibrée, épanouie. Le matin je sais pourquoi je me lève. »
Discrète, elle ne nomme jamais son conjoint, se référant à lui simplement comme « monsieur », expliquant que chacun évolue dans sa carrière de façon symétrique. « C’est du parallèle », dit-elle et trouve clairement un peu choquant l’idée que l’un d’entre eux pourrait être amené à faire un pas de côté pour permettre à l’autre d’avancer. « Nous nous soutenons. Il vient de réussir un concours et nous l’avons travaillé à deux, » souligne-t-elle.
Elle balaie la notion qu’un marin en mer est coupé de ses proches. « J’ai mon conjoint tous les jours en ligne quand il est en mer. Il n’y a vraiment pas de crainte à avoir d’être éloignée de sa famille. »
Mais elle rajoute quand même que « la mission est beaucoup plus grande que soi. Il n’y a pas que les proches, il y a l’équipage... »