Second-maître Honorine
Avant son 28ème anniversaire, Honorine aura déjà 10 ans de vie professionnelle derrière elle, de quoi retrouver facilement du travail dans le civil à la fin de son contrat dans la Marine nationale.
Lucide, cette jeune maman pétillante d’un petit garçon de deux ans, sait déjà qu’elle quittera l’institution en 2026. « Dans la marine on est muté tous les trois ans. Mon conjoint aussi est militaire alors avec un enfant, on a considéré qu’il était préférable que l’un de nous deux quitte l’institution. Lui aura 17 années de carrière quand mon contrat vient à expiration et trois ans plus tard il pourra être pensionné. Il est donc logique que lui continue et que moi j’arrête. »
De toute façon, elle a déjà exaucé son vœux. « Mes trois années affectées au porte-avion Charles de Gaulle furent l’aboutissement de ce que je voulais quand je suis entrée dans la marine », dit-elle.
Directe, sans détours, Honorine admet facilement qu’en sus elle n’a plus besoin aujourd’hui du cadre rigoureux d’une vie militaire.
« Quand j’avais 15 ans j’étais en pleine crise d’adolescence. Je ne reconnaissais pas l’autorité parentale et parce que je n’ai jamais été très scolaire, la seconde générale au lycée c’est très mal passée. J’avais besoin de rigueur, qu’on me donne un cadre. Alors le proviseur, un ancien militaire, m’a orienté vers une carrière militaire. »
Honorine s’inscrit alors en bac pro électrotechnique. En parallèle, trois samedis par mois, elle suit une préparation militaire marine où son maître principal, un militaire de réserve, l’a prend en main. « Je me suis rendue compte que la mentalité que j’y trouvais était la mienne ». Tout en continuant son parcours vers le bac, Honorine change néanmoins de lycée pour pouvoir faire tous ses stages en milieu « marin ».
« Ce parcours m’a aidé à rentrer à l’Ecole de Maistrance car il démontrait une certaine idée fixe de ma part concernant la Marine », explique-t-elle.
Pas très portée sur le sport — qu’elle préfère malgré tout collectif — elle admet du bout des lèvres qu’elle a pratiqué le foot. « Je ne suis pas du genre à me lever tôt pour aller faire un footing », rigole-t-elle.
Honorine décroche son BAT (brevet d’aptitude technique) comme électronicienne aéronautique puis suit un stage qualifiant dans l’armement « parce que je trouvais dommage d’être dans l’armée et de faire un métier que je pourrais faire dans le civil. Ce métier là, n’est clairement pas un métier de civil ». Elle devient alors « armurier aéronautique ».
Tout de suite après son BAT, Honorine est affectée au Charles de Gaulle pendant trois ans. Cela ne veut pas dire qu’elle était en mer pendant tout ce temps. « Non, non, quand le porte-avions partait en mission je partais avec lui mais quand il était à quai j’y allais tous les jours et je rentrais chez moi le soir. »
Honorine est la seule femme parmi les trois équipes d’environ 10 personnes chacune qui s’occupent de l’armement emporté par les avions de combat Rafale. « Un missile c’est, en simplifiant beaucoup, comme un meuble Ikea : c’est livré en morceaux, il faut l’assembler et s’il n’a pas été largué, le désassembler quand l’avion rentre de mission. Nous, les armuriers aéronautiques, sommes aussi responsables des systèmes d’emport des Rafales, c’est à dire des systèmes qui permettent aux missiles d’être accrochés sous les ailes des avions ou sous son ventre. » Cela implique de travailler de 03h-11h puis de 18h-03h un jour sur trois. Les deux autres jours le travaille se concentre dans l’atelier.
Honorine souligne que « quand on est femme militaire il faut avoir un caractère à ne pas se laisser faire. Il faut poser des limites, après ça roule. »
En même temps Honorine prend ses marques à bord du plus grand bâtiment de la marine.
Pleine d’anecdotes, Honorine raconte que pour pouvoir plier son 1m80 dans sa « caille » (couchette) du haut « il a fallu que j’enlève une section du plafond pour pouvoir dormir ! »
Elle découvre l’Inde et Singapour (trop moderne à son goût) mais le pays qu’elle préfère est Djibouti. « Je suis allée chez une coiffeuse qui m’a proposé de découvrir la ville. A un moment on s’est arrêté pour que je puisse acheter une boisson alors, naturellement, j’en ai acheté une pour le chauffeur aussi. Du coup, pour me remercier, il m’a invitée à manger chez sa famille. Ce sont des gens qui n’ont rien mais qui vous offre tout », dit-elle encore émue par leur gentillesse.
A bord du Charles de Gaulle il y a environ deux mille personnes. Honorine y rencontrera son conjoint. Quelques mois après sa dernière mission à bord du porte-avion, elle tombe enceinte. « Les femmes enceintes sont immédiatement débarquées du bateau car c’est considéré dangereux pour elles et l’enfant qu’elles portent. J’ai eu une grossesse compliquée alors on m’a placée en emplois de bureau. »
Aujourd’hui Honorine s’occupe de « tout le matériel de sauvetage et de survie comme les gilets, les canots et radeaux de sauvetage et ainsi de suite. Je m’occupe de leur entretien, je les répare, je fais même de la couture ! »